Attente

La bonne s’étonne quelque peu de la demande de Zabre, pourquoi doit-elle, lorsqu’elle lui donnera son remède, présenter à Armelle la photo de Zabre.  Zabre la rassure : — Ne cherchez pas à comprendre, ce n’est qu’une de mes fantaisies… — Bien, quand est-ce que je lui donne ? — Ne le lui donnez pas, arrangez-vous pour qu’elle le prenne sans s’en rendre compte, cette potion est un peu amère, si elle commande un thé, par exemple, ou autre chose… — Bon… C’est tout ? demande la bonne en se retirant ? — N’oubliez pas la photo, ajoute Zabre, désignant sa photo d’identité posée sur la table.

Sort la bonne avec la photo.
S’allonge Zabre sur le lit. Feuillète quelques ouvrages, les referme, en ouvre d’autres, écrit quelques mots sur un morceau de papier, regarde des photos de ses enfants, les jette, froisse le papier sur lequel il vient d’écrire, se lève, va à la fenêtre dont il soulève le rideau, tapote les carreaux du bout des doigts, va s’asseoir dans le fauteuil, ouvre un magazine, le jette sur le lit, se lève, va au lavabo, se regarde dans la glace, se pince une joue, la peau sous le menton, gonfle ses joues, se peigne, se lave les mains, allume la lampe au-dessus du lavabo, se tire quelques vers du nez, éteint la lampe, change de chemise, s’assied sur le bord du lit, regarde un instant ses pieds, se relève, va ouvrir la fenêtre, regarde la place, regarde sa montre, ferme la fenêtre, sort de la chambre.

Il va rue des Cendres.

Il s’arrête devant une maison où pend une enseigne formée d’un triangle scalène bleu angélique entouré de rayons dorés, symbole à la fois divin, marial et sexuel. Au centre, une inscription : « fille publique, consultations sur place ou à domicile à toutes heures. Entrer sans frapper. »

Il entre.

Douce et molle, la porte se referme derrière lui.