Le Rouchet, 19 heure 27
Peu de couleurs, aucune exubérance, le spectacle refuse de se dévoiler. Bréauté a l'amour dans l'âme. Malheur, malheur et brebis. La vie passe. Les pins s'épaississent le long de la route. C'est peu de choses. L'extrême pauvreté de ce monde lui est une jouissance égoïste. Il est là et ce n'est l'affaire de personne de se préoccuper de sa présence. Il n'est pas le seul à subir. Il a tout son temps. Les murs bas et gris de fermes isolées creusent une lumière sèche et dure. Il fait beau, seule une légère brume voile le bleu parfait du ciel. La voix de la beauté lui parle tout bas. Il aime la liberté et l'air sur la terre fraîche. Sur sa gauche, un dolmen éventré, lourde dalle grossière à peine exhaussée du sol sur quelques rudes pierres plates souligne l'indifférence du paysage à la présence humaine. Le soleil tourne dans le ciel comme une meule à blé. Seuls les aboiements peureux des chiens animent les villages. Son temps lui est soudain si incertain… Bréauté s'enfonce toujours davantage dans le ventre mou du causse. Tout est à la mesure de l'instant. Ocre rôti sur vert-gouffre… Rien ne s'émeut autour du bruit de ses pas. Il n'a rien à dire d'un paysage qui préexiste aux mots. Ici personne n'a honte des sentiments les plus secrets. Il a envie de répondre à ses questions, pas à celle des autres. Il est là et ce n'est l'affaire de personne de se préoccuper de sa présence. Son bonheur se construit d'absences.