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Écrits de Marc Hodges
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27 décembre 2008

Le mort était nu

Madame Trang s'avance vers la chambre, ouvre la porte.

L'obscurité est complète, les doubles rideaux hermétiquement tirés, tous les écrans éteints… Silence total.

Elle éclaire.

Ce qu'elle redoutait se confirme: l'occupant de la 1534 est bien là. Allongé sur le lit. Immobile. Mort… Certainement mort: il ne semble pas respirer. Il est nu. Entièrement.

Bien sûr, ce n'est pas la première fois, en cette époque où les gens bougent de plus en plus autour de la planète, qu'un client — une cliente — meurt dans une chambre d'hôtel. Pourtant — même si, en dix ans de service, c'est la septième fois qu’une telle mésaventure lui arrive — pour elle, un lieu comme l'hôtel Bonaventure doit être un lieu de plaisir. Non de mort. Bien que formée à cette éventualité, elle ne s'y habitue pas. Elle a beau savoir qu'il n'y a rien là d'exceptionnel ni d'étrange, elle ne s'y habitue pas… La civilisation est devenue largement nomade, y compris pour les personnes âgées qui n'ont aucune raison de se fixer en un lieu plutôt qu'en un autre et passent souvent leurs derniers jours à parcourir le globe. Un homme, une femme, au hasard de leurs permanentes pérégrinations, meurent ici ou là, dans cet hôtel ou dans un autre… Ces “incidents” font partie des possibles quotidiens. Ils ne font pas partie de ce qu'admet Madame Trang.

Pour se “remonter le moral”, elle s’accorde une autre crotte à la cerise…

Elle regarde à nouveau “son” client. Un homme, d'une quarantaine d'années environ à la pilosité très brune. Un bel homme… Bien bâti… Rien à voir avec un retraité. Sa mort en ce lieu en est d'autant plus étrange.

La consigne est très claire: ne toucher à rien, prévenir immédiatement le service spécialisé, ne pas s’attarder, quitter la chambre.

Madame Trang prend son téléphone portable, compose le 0000, se contente d’annoncer: "Trang, chambre 1534". Son badge — sa “smart card”, comme ils disent — enregistre l'appel et l'heure: 13 heures 36.

Juste avant d'éteindre les lumières, elle remarque autour du cou de son client comme un petit lacet rose traçant un collier, un peu serré. Elle ne s’y attarde pas. Ce n’est pas son affaire Elle sort… Poussant son chariot, elle se dirige vers la chambre 1536.

Elle y pénètre à 13 heures 37.

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