Juste au dessus de Florac, 20 h 11

Bréauté veut n'être rien et rien d'autre que ce rien, il écoute les longs échos ronds du temps, semble tranquille mais sa tête est en grand désordre. Au-delà des lointains bleuâtres, l'air lumineux. Il va falloir quitter tout cela. Ses parents persistent à grandir en lui. L'horizon à la fois est proche et lointain. La solitude s'éprouve ici comme une force. Il ne sait s'il est en train de sauver le passé ou de le détruire. Comment supporter la vie sans espoir? Il aime tout ce qui a le regard clair, qui parle franchement, apprécie l'immensité de ce vide, le bonheur de ces déserts, réfléchit qu'il n'aimerait pas que ce paysage soit plus habité — il a même tendance à dire: "envahi". Il est là, change de place sans bruit, n'est rien qu'œil et oreille, prend sa couleur des choses sur lesquelles il repose. Bréauté voudrait réinventer à partir d'elle-même la terre, l'air et le feu sans jamais être paralysé par leur beauté car un paysage n'est rien en lui-même et on finit par ne plus vivre que ce que l'on a en soi.

Ici, le passé ne délimite pas la durée.

Parfois, isolé, un arbre torturé rappelle qu'il peut y avoir du vent. Le temps passe et rampe (vie intérieure.) Un ensemble de rochers calcaires dessine comme un paysage de ruines romantiques. Bréauté se sent de connivence avec ce paysage tendant au dépouillement absolu, fin et commencement. Il a besoin de parler à ces gens qu'il ne connaît pas, mais redoute leur rencontre. Le monde autour de lui est clos comme une coquille. Rien, l'agitation en lui-même, les minutes, les secondes, le vent. Un besoin de paix l'envahit. Il n'a pas dormi, à peine s'il a mangé depuis plusieurs jours. Ses pensées s'embrouillent. L'air du soir se recueille. Il faudrait mettre tout cela au futur. Le sol est un pré de pierrailles vaguement blanches. A quoi bon refuser d'être?