Qui est Peter Peterson ?

A ma grande surprise, parce que je ne pensais pas l’avoir déjà rencontré, Peter Peterson connaissait tout le monde, depuis le serveur du bar jusqu’à mes amis les Norpois en passant par les petites putes qui officiaient en ce lieu. Il serrait des main, s’asseyait à telle ou telle table, bavardait quelques minutes puis passait à une autre; il serrait des mains, embrassait, faisait du baise main avec une telle aisance qu’il était impossible de douter que ce lieu n’ait pas été son domaine car aucun des convives ne manifestait à ses gestes la moindre hésitation ni le moindre refus. Je m’étais rapproché de la table des Norpois, une table basse de style mauresque incrustée d’ébène et d’ivoire (plus certainement de bois noir et d’os quelconque) autour de laquelle une quinzaine d’individus étaient affalés sur des coussins de cuir et des banquettes basses de velours : whisky et hashish s’y consommaient à flots. L’atmosphère était lourde, chaude, moite, enfumée et je le regardais se déplacer avec une aisance accomplie dans le brouillard de l’air, des idées et des conversations. Je ne sais trop pourquoi, cet homme m’intriguait ; je ne pus m’empêcher de demander à Gilberte Norpois si elle connaissait cet homme: — Lequel? — Celui qui discute au bar avec l’homme au chapeau blanc… — Le maquereau, vous voulez dire, Muhamad Sergueï? — Non, je connais Sergueï, celui qui parle avec lui? — Peter Peterson? — Oui… — Qui ne le connaît pas! En ce moment il loge chez nous. — Je ne crois pas l’avoir rencontré pourtant… — Il est très discret, il s’est installé dans la petite dépendance au-dessus des anciennes écuries au fond du jardin, de plus je n’ai pas l’impression qu’il y soit souvent. — Il est vrai que vous êtes très accueillants. — Nous essayons de l’être mais… pourquoi vous intéressez-vous à lui? — Certainement parce que je ne l’avais jamais vu et qu’il semble connaître tout le monde ici… — Comme tous. Nous nous connaissons tous, notre monde est si petit!