Le soleil écrase tout le paysage

Le soleil écrase tout le paysage ; il y a longtemps qu'ils sont partis de chez eux, ne savent pas quand ils rentreront. Une autre fois un couple éméché l'aborde dans une chaussée sous un prétexte futile et elle ne parvient plus à s'en défaire ; les palmes se balancent lentement sous l'effet d'une brise certainement rafraîchissante — passe un convoi de camions chargés de leechies. Un jeune se serait suicidé d'une façon monstrueuse avec un croc de boucher. Un attentat suicide fait deux morts à Rio-de-Janeiro... L'horizon est rouge de flammes... S'impose l'image un peu fripée, comme repliée dans les strates de ses souvenirs, de sa grand-mère maternelle... Il y a en eux de vieilles anxiétés qui ne demandent qu'à ressurgir. Puissance du ciel au-dessus. De longues files de réfugiés encombrent les routes — une après-midi un groupe de jeunes gens flirtent allongés sur une herbe vert-tendre — une femme aurait été retrouvée furieuse, errant échevelée dans une prairie sous une pluie violente. Ce jour, deux cent personnes meurent dans un accident de voiture. Des garçonnets jouent et vocifèrent dans la cour d'une école. Une autre fois, quelque part, un couple éméché l'aborde dans une avenue sous un prétexte futile et elle ne parvient plus à s'en défaire ; une série de meurtres s'est produite. Marie rêve encore ; l'appel du silence est le seul qui mérite d'être écouté.. Ganançay laisse faire car y a là quelque chose de plus ancien qui, un jour, dans des circonstances révolues, avait été une part de lui. Roberte a coutume de se laisser emporter par ses irréels. Lucienne Elstir essaie de ramener à la surface de sa mémoire une journée, un matin, une heure…. Tout l'incident de l'homme est de ne pouvoir se définir par rapport à quelque chose de précis, de manquer de point stable comme repères dans l'existence. Françoise évoque que tout est littérature et que seule la fiction approche de la vérité... Il y a toujours en eux quelque chose de noir, comme un espace infini déployé entre la fragilité gracile des étoiles ; Antoine Bréauté a coutume de se laisser emporter par ses irréels... Leur vie est totalement concentrée sur des choses creuses et artificielles qui leur laissent croire qu'ils n'ont pas beaucoup de raisons d'être... Oriane Proust essaie de ramener à la surface de sa mémoire une journée, un matin, une heure… — ils ne parviennent pas à comprendre ce qui se passe — de toutes parts, des poignards les guettent ; de nombreuses images d'adolescents, d'hommes, de femmes lui viennent à l'esprit. Charlus cherche dans sa poche les clefs de sa voiture... L'idée de l'absence revient parfois les habiter ; à nouveau, il est face à des problèmes sans énoncés.. Il n'a pas le moindre reproche, pas le moindre regret de leur amour. — une étrange tristesse se mêle à ses souvenirs.. Marie voudrait parler à Guillaume Norpois. Des exhalaisons "de secret vert céladon du jour " suivent Marie comme son ombre. Que faudrait-il pour qu'elle ne s'ennuie pas... La lumière tombe sur elle et l'entoure... La grande salle est pleine de femmes qui vont et viennent, s'arrêtent ici ou là pour discuter, s'approchent du buffet, entrent et sortent... Des émanations "de confiance pêche " suivent Marie comme son ombre ; Marie se sent oppressée ; une femme, raffinée, vêtue avec recherche, traverse la pièce avec une insolence extrême qui attire tous les regards. Bréauté porte une grosse chaîne en or. Une femme entre par une des portes de droite, regarde longuement la foule des invités comme si elle cherchait quelqu'un, semble hésiter, s'avance, puis se décide à traverser la pièce et à monter les escaliers — pas un cil ne bouge, elle discute. Ses doigts sont chargés de bagues baroques. Marie regarde ses ongles inquiéte avec l'envie de les ronger. Son visage est calme, infect, encadré par des cheveux très courts, presque militaires, roux. Elle se sent incroyablement seule. Une autre jeune femme entre qui attire tous les regards — Marie n'ignore pas que les regards masculins la suivent sur son passage ; que peut-elle vouloir. Il y a nombre de militaires.