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Écrits de Marc Hodges
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24 mai 2008

Coïtus interruptus

Ce qui me désespère c’est de penser que pendant que j’écris cette ligne des millions d’événements infiniment plus importants se passent dans le monde, que chacun des quelques six milliards d’humains est en train d’agir, de penser, de vivre des moments qui m’échappent et dont je ne pourrai jamais rendre compte. Écrire est voué à l’échec, tout texte est un œilleton minuscule à vision microscopique sur l’ensemble des réalités du monde. Ici même, dans cette ville minuscule dont je connais, au moins de vue, la plupart des habitants, dans ces cinq mille secondes des quelques cinq mille personnes qui vivent ici se jouent des drames, des comédies, des absences dont certaines auront une importance considérable alors que d’autres ne signifieront rien dans le flux impitoyable du temps. Peut-être qu’une jeune femme vient de perdre sa clef dans la rue ce qui l’empêchera de rentrer chez elle plus tôt que prévu et de surprendre son jeune mari en train de baiser leur voisine ou un enfant est en train de tomber d’un arbre sur lequel il a grimpé pour voler une pomme et va se briser la nuque sur un gros caillou qui se trouve là par hasard ou la femme de notre jardinier tourne sa soupe au choux ou un vieillard sans famille dort dans son vieux fauteuil parce qu’il ne sait pas que faire d’autre ou le facteur dépose dans la boître aux lettres de Madame Péchu une lettre dont il ne sait pas qu’elle va changer la vie car elle vient de chez un notaire éloigné qui lui apprend qu’elle hérite d’un parent lointain qui lui laisse une vraie fortune ou Caranton donne une gifle à son ennemi favori le jeune Pichard ou mon frère est allé à l’insu de mon père se baigner dans le gouffre du Canté avec sa bande de petits voyous dont un amorce une des grenades allemandes qu’il a trouvé dans le grenier de son grand père pour ramasser des truites qu’il ira vendre dans les restaurants de la ville ou Monsieur Jourdan se trouve confronté à un coïtus interruptus parce que l’horloge comtoise de son salon sonne au moment où il fourgonne Armelle, sa bonne ou… Mais le temps d’écrire ceci et tout est déjà passé, la jeune femme qui a perdu ses clefs est dans une cabine téléphonique pour essayer de joindre son mari qu’elle croit à son bureau, le facteur dépose d’autres lettres dans d’autres boîtes toutes différents et Monsieur Jourdan enfile son pantalon alors que la bonne rajuste son soutien gorge… Écrire oblige à choisir et c’est bien dommage car c’est exactement ce que je ne voulais pas faire.

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