Prendre des risques

Ce qui importe dans tout ça, c’est que cette nuit j’ai couru de graves dangers. Vue de loin, de haut, la vie n’a l’air de rien mais, en fait, dès qu’on approche, c’est autre chose, elle n’est pas facile à affronter, on rencontre tout de suite des difficultés, des tas de petits problèmes qui vous bloquent, vous obligent à penser à eux et finalement prennent beaucoup trop d’importance, au point parfois d’en devenir obsédants. On ne voit plus qu’eux. L’existence apparaît comme un immense problème, une énorme bulle au travers de laquelle toute apparence est déformée et qui vous isole du monde. On est pris là-dedans sans espoir, on se heurte partout à la paroi déformante déformée par nos contacts, souple, résistante, que l’on ne parvient pas à crever. On voudrait crever le mur liquide, faire éclater la bulle. Pas facile. Et si on y parvient on est couvert d’éclaboussures.

C’est pas la première fois que je m’en rends compte mais je n’avais jamais encore était confronté à des événements aussi dangereux. Je ne m’étais jamais trouvé face à cette évidence: vivre c’est prendre des risques. Du moins pas comme ça, de façon aussi évidente. Bien sûr il y a risques et risques… Ainsi quand on traverse une rue, on risque de se faire écraser, mais ce n’est pas la même chose dans ma petite ville tranquille que dans une grande ville folle du tiers monde, Sao Paulo par exemple, du moins j’imagine. Ce n’est même pas pareil rue d’Aigues-passe ou rue de l’ange . Y a des statistiques. A certains carrefours ont voit des panneaux : «Ici, en 1969 — ou 1967, ça dépend des lieux — vingt accidents, dix morts, trois blessés graves»… ou même des bouquets de fleurs à certains point sur les routes, alors on peut en tenir compte, faire demi-tour, passer ailleurs.