18 heures 05, sur le travers du Joli Fréso
Buissons dans les rochers… dans ce paysage, l'homme dérange, parfois même, pour ne plus voir, il ferme les yeux. Il faut que la terre se fasse belle. Bréauté voudrait qu'existe un lieu où le temps triomphe de son inanité, aspire à l'éternité mais préfère encore son temps. Une couronne de noms tourne dans sa tête. Sans rêves, que pourrait-il comprendre du monde ? Il s'arrête pour regarder. Les souvenirs l'envahissent comme des flammes. Les longues listes des monuments aux morts témoignent seules de la présence ancienne d'une population dense. Changefèges, Le Gerbail, La Chaumette, Les Ribes, La Viale, Hures, Champerboux… Autant de sources d'où jaillit le flot des images de son passé. Ronces-rouille-délavé… La soif d'absolu lui a appris ce que c'est qu'une vie autre et que la vie est ne s'arrête jamais. Il n'espère plus d'ailleurs. Soirée. Sourires, il chantonne, coudoie constamment l'invisible, a besoin de compagnons vivants, n'ignore pas cela: "Les choses viennent, on ne peut pas les empêcher…" Le passé pollue le présent et ici le tire en arrière… La tranquillité du jour le surprend et l'inquiète. Dans les lointains tremblés de soleil du plateau, le sol est d'une grande pâleur, tous les tons exténués s'étalent à perte de vue. Au-delà, des lointains bleuâtres, l'air lumineux. Dans les lointaines collines, les genêts sont fleuris. Qu'il soit aujourd'hui, demain ou qu'il ait pu y être hier n'a pas grande importance, toute seconde enferme le temps complet et pour cela ignore les hommes: où trouver dans le passé plus de certitudes, des points fermes, un équilibre ou un appui? Il peut passer des heures à lancer des pierres au chien infatigable. Bréauté se sent la bouche sèche, la gorge serrée jusqu'à la douleur. Il aime ceux qui ne veulent pas se conserver, accuse l'ombre creuse des vallons doux, rêve orages, tempêtes, tornades, dévastations.
L'homme qui songe est un dieu, celui qui pense un mendiant. Trop de choses étranges pèsent sur ses épaules.