Vers le Mas Rouchet

Bréauté cherche à refléter par des mots ce monde qui échappe à ses mots car penser, c'est penser à la mort… Il le sait… Rien d’autre… il s'éloigne, continue à scruter le fond de la vallée de sa mémoire, se sent de connivence avec ce paysage tendant au dépouillement absolu, fin et commencement.

Il pense que les mots peuvent prendre le goût intérieur des herbes. Sa vie est partagée en deux: celle d'avant liée aux souvenirs et à la nostalgie ; celle de maintenant, attachée à l'action et l'avenir. Son temps tire sa substance et vit de la moralité de temps anciens. Sa conscience d'exister s'accompagne de la crainte de mourir. Il réfléchit que l'acuité sensible des jours est une bénédiction. Il veut créer un monde devant lequel s'agenouiller. Le chemin rouge sang ouvre sa cicatrice dans la campagne. Il longe un chemin doublé de buis. Ciel de passion…

Rien ne se cache dans le regard des arbres, sur les pentes douces des collines, l'herbe peine à dissimuler l'impatience des cailloux, tout est dans un parfait silence. Une vibration se concentre dans toutes les parties de l'air, se ramifie, se rassemble sur toute sa surface. L'infini tient ici entre les bras ouverts d'un homme. Le vent a cette qualité rare d'être porteur d'éternité. Les collines sont comme dévorées par la lèpre verte-orangées des buissons de buis. Chaque matin, il s'efforce de trouver une approche nouvelle du monde. Un petit cri, un battement d'ailes, un remuement dans l'herbe suffisent pour qu'il lève les yeux et reste l'oreille tendue. Un vieux chien noir-blanc le suit comme une ombre, seul son halètement rythme le temps. Il a toujours vécu dans ce monde, n'est jamais parti, n'a jamais connu autre chose, il le pense, le croit, refuse de perdre totalement l'espoir. Il est temps que les hommes se trouvent un but. Il vient pour aimer, non pour juger.