De l'impossibilité d'être

J’observe donc le paysage, j'observe d’abord le clocher. J’écris la pureté de sa ligne à cette distance, sa couleur miel doré subissant d’infimes variations suivant le passage de rares nuages, puis le ciel qu’il désigne, bleu, pâle, fragile, mal éveillé mais dont on sent déjà quelle va être l’intensité dans quelques heures. L’aspect figé des maisons aussi, laquées par la lumière très pure du matin, l’uniformité gris, gris-bleu des toits d’ardoise, le nombre de cheminées, de petites tours… mais ce n’est là que le plan lointain, il fallait aussi parler des arbres du parc, des filets de lumière glissant entre les branches, les enfermant comme dans une toile, parler aussi du moineau qui sautille sur la terrasse à la recherche de quelque miette ou graine…

Je me suis bientôt aperçu que dès que je regardais dans une direction quelconque, il y avait quelque chose à noter et que, pendant ce temps, d’autres événements se produisaient dans les autres directions qu’évidemment j’ignorais: toute une part du monde me restait cachée, absente… Cette découverte m’a été plutôt désagréable: je m’étais engagé à faire un travail qui s’avérait irréalisable. J’étais coincé. Impression que je n’aime pas, pas du tout. Je parle en connaissance de cause: je suis resté coincé trois heures, l’an dernier, un jeudi, dans un boyau d’une grotte.