Départ d'Yvré

Toutes ces peurs faisaient qu’Yvré n’avançait que très lentement, main crispée sur son poignard, mâchoires serrées, œil fixe et regard dur… Enfin il saisit l’enveloppe tombée dans sa boîte à lettres et, visant un défaut du gommage, l’ouvrit d’un geste mâle et sûr. Il ne trouva dans l’enveloppe qu’un dépliant touristique ventant les charmes druidiques de la Bretagne. D’abord surpris, il se souvint avoir, un jour, répondu à un club planétaire de livres spirites qui désirait fonder la société des amis de Lucie Bell. Yvré, précédemment sacristain mais aujourd’hui au chômage ayant, par erreur peut-être, rempli de chrême les burettes de la messe ce qui avait entraîné la fâcheuse conséquence de faire baptiser un nouveau-né au vin blanc. Sous l’effet de prostration provoqué par cette chute brutale de la lettre dans sa boîte puis par la tension nerveuse de son ouverture, Yvré laissa s’infiltrer dans son esprit l’idée que la Bretagne, au fond, pourquoi pas… Ça ou autre chose !…

Il donna un coup de pied violent dans sa caisse de nuit, enferma quelques papiers dans une poche de nylon et sortit en claquant sa porte. Il descendit quatre à quatre ses escaliers et, parce qu’il y avait vingt et une marches, rata sa dernière enjambée s’affalant sur le palier. Mais il partit sans régler son propriétaire…