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Écrits de Marc Hodges
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16 mars 2006

Conversation entre Bréauté et Elstir

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Attendre semblait à Bréauté impossible: en 3000, au mieux en 2999, il aurait plus de mille ans. Mathusalem lui-même n’avait pu atteindre cet âge. Que la médecine n’ait cessé de progresser depuis sa naissance, que la durée moyenne de vie de la population européenne se soit allongée, était indéniable mais, même si envisager de devenir centenaire n’était plus utopique, il n’avait aucune illusion quand aux découvertes qui permettraient de décupler son existence. Il valait mieux ne pas y songer, envisager plutôt de voir le problème sous un angle scientifique. Pour cela, le mieux était de consulter son ami Elstir, un Pic de la Mirandole moderne, professeur de mathématiques, spécialiste des probabilités et qui, ayant tout lu, savait presque tout sur tout… Or, celui-ci, outre ses connaissances multiples et sa passion pour la musique, étant un fin gourmet il l’invita, sous un quelconque prétexte, à dîner. Passées les banalités, les commentaires désabusés sur la qualité du restaurant pourtant renommé « qui autrefois avait été meilleur, mais qui… comme tout, tu vois bien, se laissait aller au mercantilisme et à la facilité…», ayant accepté de prêter une oreille complaisante aux habituelles jérémiades de son ami se plaignant toujours de ne jamais parvenir à rien, il amena par hasard la conversation sur le sujet. Elstir commença par lui recommander la lecture de Mapping time de E.G. Richards, ouvrage qui traçait l’historique de tous les calendriers du monde ainsi que celle de The calendar, its history, structure and improvment, ouvrage «plus ancien mais toujours valable…» de A. Philips puis, comme, tout en essayant de ne pas révéler l’obsession qui s’était emparée de lui — aveu qui lui aurait sans doutes aucuns valu de cinglantes moqueries — il revenait sur le sujet avec insistance, Elstir lui déclara qu’au fond les choses étaient simples, comme l’avait dit un nommé Anon, «Dieu avait créé le temps et l’homme le calendrier». Tout ça, au fond, n’était qu’un problème de conventions et de calculs. Comme l’avait prouvé la Révolution Française, il suffisait de décréter une origine pour changer le compte des années. Si l’histoire politique ne s’était pas occupée du temps, ils seraient en l’an 227 de la République.

Il en déduisit que son problème était simple: il lui était facile de changer de millénaire à condition d’adopter un autre système calendaire. Ainsi, s’il adoptait le calendrier romain, il se trouvait en 2726 — choix qui, tout en l’obligeant à ajouter en années deux fois le nombre de jours d’une année lunaire, ne pouvait être une bonne solution deux étant un nombre vide —, ne satisfaisait toujours pas à sa contrainte initiale. En aucun cas, en effet, il ne pouvait revenir en arrière. La seule possibilité satisfaisante était pour lui d’accroître la valeur du premier chiffre des dates. Les calendriers maçonnique ou hébreu offraient donc davantage d’intérêts puisque, d’un seul bond, ils parvenaient respectivement en l’an 6018 ou 5779. Un temps, il envisagea de se convertir au judaïsme mais il n’est pas si aisé de forcer la nature humaine: les nécessité de la circoncision ainsi que les contraintes casher lui parurent vite insurmontables. L’adhésion à la Franc Maçonnerie lui sembla, un temps, plus réaliste mais, outre le fait qu’il ne connaissait personne qui aurait pu l’introduire dans une loge et que le port des petits tabliers brodés et autres insignes rituels lui semblait du dernier ridicule, il ne pouvait envisager sérieusement de passer tout le temps nécessaire à obtenir son affiliation alors que d’autres possibilités, comme l’adoption de l’ère Kali-yuga le projetant en 5120, ou de celle de la dynastie Zhou l’amenant tout de même en 3063, pouvaient s’offrir à lui.

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