le ciel bleu est une dérision

Ils sont perturbée par les flots incessants d'images que diffusent les multiples écrans : les actions sont à peine intelligibles ; un jour, dans son enfance, Roberte s'en souvient, une femme se promène avec elle au bord d'un lac, le ciel c'est le ciel, sous ses bras un chien en peluche queue-de-vache foncé si doux, longtemps conservé, et un pressentiment de bonheur extrême. Quelque chose l'inquiète qu'elle ne sait pas cerner avec précision... Le temps a son poids d'éternité. Oriane Proust croit percevoir comme la crécelle sèche d'une rafales de mitraillettes ; elle aspire à tout ce qui peut arriver... L'homme au fuseau de crépon regarde attentivement autour de lui comme s'il cherchait quelqu'un dans la foule. Elle n'a jamais rien su faire de sa vie... Dehors, le ciel est peut-être nuageux et le vent puissant... Elle se souvient de son enfance et lui reviennent en mémoire des fragments d'images. L'homme au regard noble s'avance vers une ouverture ; elle se souvient de ce jadis si proche encore. L'air est irrespirable, oppressant comme si tout était englué sur du papier tue-mouche. Gilberte Norpois ne sait pas pourquoi elle pense ça aujourd'hui. Un sentiment irrépressible d'angoisse gagne Gilberte Norpois qui ne sait que faire. Elle s'est constamment voulu en retrait par rapport au temps... De nombreux invités sont autour des tables où les mets sont succulents, le vin abondant. Pour se souvenir il faut oublier de vivre. Des camions militaires passent en trombe sur la piste, soulevant un brouillard épais de poussière — le ciel bleu est une dérision. Ciel bleu laqué. Il n'y a qu'un seul chemin vers le centre absolu ; comme si ce qui se déroulait dans l'entrée n'avait d'intérêt, près d'Argencourt, un militaire assez jeune assis sur un tabouret lit " Le Journal de la Seconde Législative" dont la première page porte en titre : " la fin d'un monde ". écrasé sous un énorme cartable aux larges bandes jaune, bleu et rouge vif, un tout petit garçon noir regarde la vitrine du musicien — sa perception du réel a l'accent du sentiment, son sentiment la clairvoyance de la perception du réel.... Des voix indistinctes traversent l'atmosphère — Bréauté a simplement été mis hors-jeu quelques temps. Le concept de temps disparaît, l'avenir lui vient en un présent unique — pendant ce temps un million d'enfants est né, un million de personnes sont mortes. Ganançay n'a jamais aimé le cinéma... Se faufilant parmi la troupe des invités, un dragon traverse l'entrée comme s'il cherchait quelque chose ou quelqu'un — il veut rester ici. Le soleil tape si fort que tout autour semble retourner à l'état liquide ; il y a beaucoup de confusion, de troubles, d'incohérences... à quoi sert de courir devant des faits fuyants — le soleil passe son rouleau-compresseur... Un gaillard s'approche d'une ouverture qui donne sur une terrasse, dont il veut franchir les rideaux mais un cavalier l'empêche de sortir... La lumière plombe l'air. Il refuse de subir toutes les humiliations radicales de la réalité. Il confesse " Notre défiance justifie la tromperie d'autrui" (… il dit ça). Il sait que le passé est une suite d'impressions incertaines. Tout se ressemble — elle faut habiter le temps. Il y a dans l'air comme un grand espace ailé. Elle marche sur ses songes... Il considère comme un accident d’être tué — il se croit protégé de tout et vit dans une indifférence polie du monde — touffe ; Saint-Loup fond toujours la pénombre à la clarté — abjure le temps. Il marche sur ses songes... Elle reste confuse (demeure confondue). Elle est maintes fois fatiguée, ironique, infecte — rien ne vaut effectivement la peine d'être vécu ; elle a perpétuellement fait semblant de ne rien voir (ni haine, ni jalousie) ; la passion n'a été pour lui qu'un jeu passager — il observe cela réellement — tout lui est indifférent.