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Écrits de Marc Hodges
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11 décembre 2005

Des gants magiques

Le progrès n'a que deux ennemis, la défiance et la confiance: on accepta d'aller de l'avant. Palancy replaça la cagoule sur le portemanteau où il prit le gant blanc ainsi que le gant noir. Il expliqua alors le dispositif de son expérience. Ces gants, dit-il, ne sont que des outils intermédiaires incapables, par eux-mêmes, de produire quoi que ce soit. Pourtant s'établit entre l'outil et le cerveau qui l'utilise, une relation complexe d'échanges. Manipulés par des mains expertes, les gants, comme auparavant la cagoule, sont capables d'enregistrer tous les détails d'un comportement donné pour, en situation, les restituer entraînant l'amélioration des gestes nécessaires. Cette amélioration, intégrée par l'organe humain, provoque à son tour une plus grande efficacité des mains naturelles capables alors de mieux profiter de l'aide qu'apportent les gants. S'établit ainsi une spirale dynamique de progrès qui se font à une rapidité stupéfiante. C'est ce phénomène qu'il se proposait de nous démontrer dans des expériences de plus en plus spectaculaires.

S'adressant à un de ses invités qu'il nomma Monsieur Khol, Palancy lui demanda s'il savait jouer du piano. La réponse étant négative, il le pria d'accepter de servir de cobaye à l'expérience suivante qui, précisément, consistait à jouer de cet instrument. Souriant, Monsieur Khol, s'installant à l'un des pianos, s'exécuta produisant une succession désordonnée de notes maladroites que l'on ne pouvait, sans beaucoup d'exagération, qualifier de musique. Alors, le maître des lieux appela Claude Le Calvez. Au nom du célèbre pianiste toutes les têtes se tournèrent vers celui qui, s'approchant du second piano, s'y installa pour interpréter avec brio la piécette lente d'Erik Satie intitulée Choral inappétissant. Ceci fait, Palancy pria Khol d'essayer de jouer à son tour ce morceau, exploit que, bien entendu, celui-ci, ne parvenant même pas à reproduire correctement une quelconque séquence de deux notes, ne put parvenir à accomplir. Sur un signe de Palancy, Le Calvez enfila soigneusement les gants de Bolkha, gant noir à la main droite, gant blanc à la main gauche puis, en virtuose qu'il était, interpréta, toujours du même compositeur, cette pièce beaucoup plus rapide qu'est Le réveil de la mariée. A la fin du morceau, il retira les gants, les tendit à Khol. Ce dernier, à la grande surprise des spectateurs, parvint à jouer quelque chose qui évoquait la succession des notes du morceau entendu précédemment. Ce n'était pas la virtuosité brillante de Le Calvez, ni même la sûreté alentie d'un pianiste un peu plus que débutant : la mélodie produite ressemblait plutôt au déchiffrement laborieux d'un écolier lisant les notes d'une partition, mais cependant on y reconnaissait quelque chose, comme si, maintenant, tout en offrant une certaine résistance à une volonté qui essayait, contre leur gré, de les assouplir, les mains savaient à peu près où se placer sur le clavier, les doigts vers où et comment se tendre.

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