Réflexions sur la littérature
Dans les atermoiements de ce début se trahit l'embarras d'un récit dont je dois avouer la fraude: bien que j'en possède le copyright, que j'en touche les droits éventuels, la signature en est apocryphe... Plus précisément, ce texte ne m'appartient pas complètement; plutôt, pas tout à fait; du moins pas directement...
Si dans cette approximation il y a faute, je réclame le
droit de la commettre car il est bien difficile de démêler si un
procédé net, sincère et honnête est un effet de probité, d'habileté ou
de malversation. Nous avons plus de paresse dans l'esprit que dans le
corps et il n'est pas d'exercice intellectuel qui ne soit finalement
utile. J'aimerais assez avoir la chance de voir mon texte interdit pour
plagiat. Cela lui donnerait de la célébrité, peut-être même de la
profondeur. Attribuer l'Imitation de Jésus Christ à
Louis-Ferdinand Céline ou à James Joyce, n'est-ce pas après tout
renouveler suffisamment les minces conseils spirituels de cet ouvrage?
L'écrivain est une sorte d'ingénieur qui croit savoir où il veut en
venir et tente de résoudre les problèmes dont il perçoit le but. Mais
passons! Que ce texte ne m'appartienne pas ne signifie pas non plus
qu'il ait été subrepticement emprunté à un ami; que, sous mon nom,
j'aie publié l'écrit peu connu d'un écrivain oublié; ou que, comme
Pierre Ménard, ce héros Borgésien consacrant sa vie à la réécriture du Quichotte,
j'aie recréé — en toute honnêteté intellectuelle: sans en changer un
mot — l'œuvre connue d'un écrivain célèbre... Rien de tout cela,
personne n'a été volé car tous les écrivains doivent perpétuellement
l'être: l'objet littéraire est une étrange toupie qui n'existe que
dans le mouvement.
Quand je regarde le point où je suis parvenu,
quand je parle aujourd'hui de ces choses, il me semble qu'elles ont
toujours été pour moi parfaitement claires, et l'on pourrait croire que
ce me sont de très lointaines acquisitions de l'esprit, pourtant...