Le cadre de la fiction
Il est dix neuf heures trente, la salle
illuminée où se déroule la réception apparaît au militaire chargé de
patrouiller toute la soirée dans le parc comme un ensemble de ces
étranges objets de collection scientifique constituée de boîtes vitrées
où sont conservés des éléments des échantillons géologiques, des
fragments de flore ou des échantillons de faune de pays exotiques
destinées à attester de la vérité des observations faites à leur sujet,
sa curiosité est celle du botaniste amateur confronté à des objets
qu’il connaît mal ou peu mais qu’il est enchanté de découvrir et avec
lequel il se raconte des histoires.
Sur le mur du fond, opposé à
celui des fenêtres qui donnent sur le jardin — ou le parc — est une
toile rectangulaire accrochée parmi de nombreuses autres occupant
l’espace laissé libre par les ouvertures des portes-fenêtres qui
donnent sur le crépuscule du jardin. Au premier plan, une femme,
cheveux longs blonds, complètement dénudée, est allongée sur le sol, à
plat ventre, bras étirés vers l'avant. Penché tendrement sur elle, un
chevalier fouille son corps de son épée pendant que, par une ouverture
pratiquée sur un de ses côtés, ses chiens dévorent le cœur et les
entrailles du cadavre. Le bosquet, où se déroule la scène, est
pacifique: des biches boivent à une fontaine, quelques oiseaux
volètent dans les stries lumineuses de ce qui pourrait être une
clairière, la mer qui forme le fond est exquise où des mouettes éparses
flottent comme des corolles blanches de nymphéas, le cheval blanc du
chevalier attend paisiblement que tout se termine. Le ciel immobile est
d’un bleu sans tâches juste égayé par les nuances apaisantes de
quelques minuscules nuages bleutés.
Un peu plus loin, une autre
des peintures des murs est le portrait d'une jeune femme aux cheveux
torsadés d'or qui semble à la fois très douce et très résignée. Plus
loin encore, un jeune marquis dont le jabot de dentelle met en valeur
la délicate pâleur du teint fait face à une épaisse douairière dont il
semble attendre quelque chose comme un acquiescement, une approbation
ou une autorisation.
Ailleurs, sur un ciel bleuté encombré des
volutes grisées des nuages, un homme ailé, barbu, au sexe à peine
recouvert d'un pan de tissu bleu flottant, emporte dans les airs une
autre jeune femme également blonde et nue aux bras largement écartés. A
côté d'eux, un angelot potelé et nu, sexe insignifiant, tient dans la
main droite une serpe; dans sa gauche un cercle de métal à travers
lequel il pourrait être en train d’examiner l'espace.