le crépuscule rôde
Le ciel s'ouvre… De petites gouttes s'accrochent aux murs, hésitent à glisser sur le sol, l'ombre bleue des nuages file au loin… A l'heure où le soleil laisse la ville aux ténèbres, au milieu des lectures publique des journaux, il pleut : les tombereaux se frayent un passage dans la foule qui emplit la place - le ciel masque des menaces… Crépuscule bleu, tombée de nuit, ciel bleu- noir profond : au pied de l'échafaud plusieurs femmes assises sur de petits bancs tricotent ! Nuages ! Des canailles vident les poches : de longues carrioles découvertes arrivent sur la place noire de monde, elles portent des femmes debout, serrées. Un double cordon de gardes entoure l'échafaud ! Les nuages se déchirent découvrant des couches de bleu et de lumière vive : une jeune femme en pleurs s'avance, se cache le visage. Les nuages sont striés de rouge : le ciel est en pleins désordres, dans de grands désarrois de nuages et de noir; quelqu'un demande à quelqu'un d'autre : "qui est-ce ?". On entend une réponse : "la citoyenne Roland", culbutes de nuages et pluie - le maître-bourreau la prend par le bras gauche, le grand valet par le bras droit ; en un instant elle est couchée sur la planche : le crépuscule rôde… Le bourreau s'approche de la machine de mort, la contemple puis libère le couperet ! Un nuage accroche quelques arbres, du cou tranché jaillissent deux flots de sang - le bourreau est vêtu de rouge-sang ! L'échafaud se colore de rouge : les nuages sont striés de rouge; le bourreau saisit la tête la tend à bout de bras et la gifle, une voix hostile, cruelle, crie : "Vive la guillotine d'amour"… De grandes voiles traversent rapidement le ciel dans une précipitation violente… Il pleut. Soixante et onze personnes sont entassées dans les charrettes…