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Écrits de Marc Hodges
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24 octobre 2013

Comment ne pas céder ?

« Zita m’a abandonné le 11 mars 1989 : c’était une journée viennoise merveilleuse, le ciel était d’un bleu d’acier, l’atmosphère froide, sèche et franche. Des amis nous avaient prêté pour quelques jours leur luxueux appartement du Linienwall où nous aimions nous prendre pour des aristocrates romantiques : nous y faisions l’amour de façon fabuleuse et nos nuits étaient plus riches et lumineuses encore que nos jours. Tout nous souriait, nous nous sentions capables d’oublier les ennuis récents qui nous étaient arrivés en France et nous les oubliions… Ce jour-là, vers onze heures, nous sommes allés déjeuner dans un café : chocolat chaud crémeux et délicieuses viennoiseries puis, enlacés, nous sommes descendus au Prater, il faisait si beau que, même si les arbres étaient encore dénudés, même si les fleurs ne poussaient pas encore, il flottait un air de printemps… l’atmosphère était au romantisme, à l’attendrissement, à la construction de souvenirs : comme des millions d’amoureux avant nous, nous avons décidé de faire un tour de Grande Roue. En ce tout début de saison, il n’y avait encore presque personne, nous avons pu avoir une cabine pour nous tous seuls : la circonvolution s’est faite dans un long baiser. Je ne sais pas si tu es allé à Vienne, mais cette ville incite à la fantaisie : Zita voulait des photos. Elle disait que la mémoire a besoin de béquilles que, si on ne l’aide pas à marcher, elle finit par se figer, que, plus tard, nous serions si heureux de retrouver des traces, même infimes, même dérisoires, qui nous permettraient de reconstruire ces moments de bonheur absolu… Comment ne pas céder ? Elle est montée dans la Riesenrad passant la tête à une fenêtre de la cabine pour que je puisse la photographier ; puis ce fut à mon tour… Lorsque celui-ci s’acheva, que je pus redescendre de l’appareil, Zita avait disparu. Près du lieu où je l’avais vu pour la dernière fois, sur un banc de bois vert vermoulu, notre appareil photo et une enveloppe contenant un message laconique : « Ne me cherche pas Stanislas car je dois disparaître et tu ne pourras pas me retrouver… Quoi qu’il en soit j’ai vécu avec toi deux années merveilleuses »…

C’est tout… Je n’ai jamais eu rien de plus… Tu te doutes bien que j’ai parcouru les allées du parc comme un dément, que j’ai hurlé son nom pendant des heures, que je suis retourné dans l’appartement, que je suis revenu au Prater, que j’ai, sans me décider d’en finir, arpenté les rues de la ville, interrogé les hôpitaux et la police, téléphoné à tous nos amis… Rien… Zita avait disparu et quoi que j’ai pu faire, jamais je n’ai plus eu la moindre nouvelle d’elle… »

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