Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Écrits de Marc Hodges
Écrits de Marc Hodges
Visiteurs
Depuis la création 98 790
Archives
6 juin 2013

se perdre pour se retrouver

Il fait beau, incroyablement… Dans l’entrelacs intense des branches, le soleil gonfle ses bulles de lumière comme autant d’invites à la paresse. Marc se souvient de ces après-midi d’adolescence où, seul ou parfois accompagné, il venait se réfugier dans ces ventres que les forêts savent offrir à ceux qui les parcourent. Autant de matrices d’herbes et de feuillages où il faisait si bon s’engloutir pour s’isoler du monde, accepter de croire qu’il n’y avait plus aucun danger, que tout, ici était possible. Lieux d’initiations sexuelles mais aussi d’intenses méditations qui laissent croire à ceux qui s’y abandonnent qu’ils pourraient être gagnés par le lyrisme de la poésie.

Il y a ainsi, sous les hautes fougères, dans les encoignures des roches, sur les tapis de mousse protégés par les barrières apparemment impénétrables de quelques troncs abattus, des cryptes d’odeur et de couleur où la lumière joue avec les transparences des feuilles et les striures des tiges. Marc est revenu sur les lieux du crime, moins à la recherche de nouveaux indices —car il n’a pour sa fiction pas besoin de s’appuyer sur la réalité— que d’impressions et de sensations. Il essaie de comprendre ce que peut éprouver quelqu’un qui va mourir là; il essaie de se mettre dans la peau de celui qui va commettre un crime et ce qui le frappe c’est l’évidence de la banalité de l’acte. Être là, c’est être en dehors du monde et de ses lois, retrouver un rapport direct avec l’origine des êtres où il n’y a plus ni bien ni mal, où la vie et la mort font partie de la poussée des plantes, où les odeurs fortes de pourritures et de moisissures ne permettent pas de distinguer entre ce qui est d’aujourd’hui et ce qui est d’hier. Lieu d’éternité et d’impunité…

La mort… Donner la mort n’a ici rien d’anormal. C’est un geste que les animaux accomplissent avec naturel parce qu’il n’est que le prolongement de la vie. Tuer lui apparaît soudain presque comme une offrande à la vitalité des bois.

Marc s’éloigne. La grotte d’Arnette ne l’intéresse plus vraiment. Venir ici n’était qu’une action stupide guidée par les conventions naturalistes. Il n’a plus rien à y découvrir car même s’il y découvrait quelque chose, cette découverte n’apporterait rien à son récit. Mieux vaut s’enfoncer dans la sauvagerie des bois, loin des sentiers battus. Et plus il force les taillis et les ronces, s’enfonce dans le labyrinthe des chaos rocheux et des entrelacs de racines où le soleil parvient cependant à tirer ses flèches, plus il se sent approcher de l’état lui permettant de trouver les couleurs particulières de son roman: labyrinthes, entrecroisements, enchevêtrements, tours et retours, identités et différences, distinctions et indistinctions… Se perdre pour le plaisir de se retrouver. C’est ainsi qu’il voulait son récit et c’est ainsi qu’il sera.

Publicité
Commentaires
Publicité
Derniers commentaires
Publicité