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Écrits de Marc Hodges
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20 mai 2013

chute brutale dans le réel

…tous les dangers… Évelyne est persuadée que ce qui menace sa tranquillité ne peut venir que du monde, de l’extérieur; elle ne soupçonne pas que les germes de ses inquiétudes peuvent se trouver à l’intérieur d’elle-même aussi ne recevant plus de messages depuis quelques jours se sent-elle de plus en plus tranquille. Après tout, aucune des affaires concernées par les lettres anonymes n’a causé mort d’homme et les enquêtes à leur sujet ont vite été abandonnées. Du moins il lui semble qu’il en est ainsi; elle peut sans grande crainte revenir à sa routine quotidienne: procès-verbaux divers, accueil au commissariat, repas à la maison, aide au travail scolaire des enfants… plus de perturbations, sa vie peut regagner ses voies de garage. D’autant que, pour l’instant, l’absence de Théo ne lui permet pas d’aller plus loin. De plus, elle n’a pas vraiment envie d’aller plus loin. Ça suffit comme ça… Son mari plombier, ses enfants, constituent à nouveau son seul horizon… tranquille…
Pendant qu’elle rêvasse devant le mauvais café de la salle commune du commissariat dont, une fois de plus, elle assure la permanence, Albertine, à quelques mètres de là dans son bureau minuscule rêvasse également devant un dossier qu’elle n’a pas vraiment envie de lire: il lui faut prendre contact avec diverses associations de locataires d’immeubles qui désirent qu’elle vienne leur parler des mesures qu’elle compte prendre contre les jeunes des cités qui, avec des bombes de peinture, inscrivent des sigles illisibles sur toutes les surfaces à peu près planes et plus ou moins monochromes qu’ils trouvent… Elle, elle préfère penser à ses prochaines vacances: un port, petit, calme, pas trop cher… pas la côte d’azur… ce n’est pas dans ses prix… le Roussillon peut-être ou le Portugal, mais c’est un peu loin et puis l’océan c’est pas la méditerranée. Elle se voit dans une chaise longue au soleil sur une plage: Kevin fait des châteaux de sable avec son philosophe de père; Karcher fait la sieste à l’ombre dans sa poussette… Elle n’a rien d’autre à faire qu’à se bronzer au soleil, chaleur forte du soleil sur la peau comme une odeur de plat épicé, regards perdus —sous ses lunettes noires — dans le trou bleu du ciel. Rien à faire, rien à penser, rien à attendre, rien qui compte. Rien souverain, le rien comme seul objectif. Des enfants, un peu à l’écart, jouent calmement au ballon, quelques bateaux coupent paresseusement l’horizon, une brise légère, assez légère pour la rafraîchir mais pas assez forte pour la fouetter de sable. Uniforme oublié, problèmes sociaux oubliés, plaignants oubliés, préfet oublié, maire oublié: la vraie vie s’étale sur la surface ocre de la plage dans les odeurs agréablement douceâtres des lotions solaire, dans la sensualité des grains de sa peau nue absorbant avec volupté les avances du soleil… Peut-être même faire l’amour avec Rango, son mari, en imaginant que c’est avec le beau mec en bikini qui parade sur la laisse de mer. Se préparer en esprit à faire l’amour avec Rango lorsque les enfants seront couchés. Presque sentir monter l’orgasme dans cette sensualité toute solaire qui l’enveloppe…
Le téléphone sonne. Chute brutale dans le réel… Évelyne décroche.

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