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Écrits de Marc Hodges
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19 mai 2013

l'indifférence

Peu à peu s’est installé en moi le manque d’appétence pour le dehors, je n’ai plus beaucoup envie de sortir de chez moi, quitter mon antre — ou mon refuge suivant la façon de le considérer. Je ne sais pas pourquoi. Ou plutôt je ne cherche pas vraiment à le savoir, c’est ainsi. C’est devenu ainsi. Je me sens lentement devenu étranger au monde, plus exactement étranger à toutes les personnes qui le peuplent et que je suis contraint de côtoyer dans tous les lieux publics. Leurs façons d’être, leurs comportements, leurs préoccupations, au mieux m’ennuient ; leurs conversations me rejettent. Le plus souvent, alors même qu’elles ne me concernent pas mais parce que je ne peux faire autrement qu’en percevoir des bribes, elles m’importunent.

Suis-je désormais passé d’un autre côté, ai-je dépassé, sans m’en rendre compte, les frontières invisibles qui délimitent l’appartenance à toute communauté ? Détachement… Ma vie peut-elle être une vie d’homme si je ne me retrouve en rien dans la communauté humaine ? Ma vie vaut-elle encore la peine d’être poursuivie si ce n’est plus une vie d’homme ? Un ermite au moins, parce qu’il est persuadé d’être un intercesseur entre une divinité extérieure et l’ensemble de ses semblables pour lequel il prie, les rejoint dans son sacrifice. Je suis athée. Rien d’extérieur ne peut justifier mon inéluctable désintérêt. La vie des autres ressemble de plus en plus pour moi à ces films en vision 3D dont la perfection technique, loin de rapprocher le spectateur du réel, les plonge dans un univers d’images parfaites mais fausses où les distances entre les objets, entre les êtres semblent « parfaitement » factices ajoutant aux mondes qu’ils sont censés représenter une troisième dimension qui pourrait être celle du rêve.

Écrire mon autobiographie reste le dernier prétexte que je me suis donner pour me laisser croire que je vis encore un peu et je jette ces pages à la mer comme une dernière illusion que, parce qu’elles auront su toucher quelque improbable lecteur, une trace de moi, qu’importe sa visibilité, me rattachera à cette communauté qui me fuit. Mais le passé ne se revit pas, trop de vieillesse tue le désir, trop de résignation après ce qui n’est plus amène à regarder le monde de loin comme du haut d’un promontoire d’où, si l’on a une vue d’ensemble, s’impose une distance irréductible avec la paysage que l’on regarde. Entre moi et les autres, comme une brume, s’élève lentement un distance de plus en plus profonde. Images sur la paroi de la caverne : je vois, je regarde parfois ; j’entends, parfois j’écoute, mais je n’ai plus ni besoin ni désir de participer. Chacun son monde. le mien s’englue de plus en plus dans l’indifférence.

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