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Écrits de Marc Hodges
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3 avril 2013

une rencontre inattendue

Aujourd’hui, escale à Florac, toute petite ville paisible de la vallée du Tarn dont je devais rencontrer le maire pour le convaincre d’adhérer au projet pilote presque bouclé de numérisation hertzienne de la région. Ce n’était pas le plus intéressant… Comme d’habitude: réunion, palabre, repas… J’ai terminé vers cinq heures et me suis accordé le plaisir d’aller, à quelques kilomètres, passer la nuit dans le merveilleux petit hôtel du château de La Caze sur les rives du Tarn. Avant de manger, je me promène dans le jardin qui domine la rivière et je tombe sur Didier… Didier Dourraboue que certains d’entre vous ont sûrement connu… Ce fut une immense surprise… Je ne m’attendais ni à le rencontrer ici, ni à le voir occuper les fonctions de jardinier: il était en effet de notre âge et de notre milieu et j’avais fait, je crois, sa connaissance à sa sortie de l’ENNA en 1982 ou 1983, alors qu’il venait d’être recruté à ce qui était alors le Ministère des finances. Pour des raisons qui m’échappent, nous avions sympathisé; il s’était peu à peu intégré à notre petite bande d’amis; nous étions assez proches. Jusqu’à ce qu’il soit impliqué dans une affaire peu banale qui, comme celle de René Robertelli, occupa un temps les colonnes de la presse… En 1985, vous vous en souvenez certainement, suite à une série de suicides dans le petit milieu des casinos, à des incendies invraisemblables d’établissements de jeu ou d’agences bancaires de la côte d’azur, on découvrit un énorme scandale financier: une grande banque nationale qui avait réalisé de mauvais investissements était accusée de dissimuler ses pertes par d’énormes bénéfices tirés du blanchiment d’argent sale. Ces opérations ne pouvaient se faire sans complicités au plus haut niveau: Didier fut accusé de jouer un rôle central même si certains soupçonnèrent qu’en fait il n’était qu’un fusible protégeant, sans peut-être même s’en douter, des personnages plus haut placés que lui. Quoi qu’il en soit, ses adversaires purent produire de nombreux documents qui en faisaient un accusé idéal: photos le montrant en compagnie de truands connus, enregistrements de conversations téléphoniques avec des membres de la pègre, factures de dépenses que son traitement ne pouvait justifier, témoignage de call-girls aux tarifs exorbitants… jusqu’à des dénonciations d’un petit truand le désignant comme commanditaire — en échange de la perte d’un dossier — du «suicide» d’un croupier. Didier fut condamné à quinze ans de prison… A ma connaissance, aucun de nos amis ne le revit jamais…

J’ai hésité un moment… J’avais envie de lui parler et, en même temps, je me suis dit qu’il n’avait peut-être pas envie qu’on lui rappelle son passé; je l’ai regardé quelques secondes; il m’a regardé à mon tour; nos regards se sont appesantis un instant l’un sur l’autre puis, sans rien dire, il s’est éloigné… Après le repas, je me suis renseigné discrètement — on ne peut rien refuser à un pourboire s’il est suffisamment attractif — auprès du concierge sur le nom de leur jardinier: je ne m’étais pas trompé mais, ici, ce nom ne semblait rien évoquer à personne et j’ai compris, à son regard, que le concierge ne comprenait pas pourquoi, moi, je m’intéressais à quelqu’un d’aussi négligeable.

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