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Écrits de Marc Hodges
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31 octobre 2012

Mansûr Al-Halâj

"Il n’est pas surprenant que le poète préféré de Kharamidov soit Mansûr Al-Halâj :

Les lumières de la lumière de la Lumière ont des lumières dans la création
Et le mystère a des mystères dans la conscience de qui savent le garder
Et l’Être dans les êtres est un être créateur
Où mon cœur se repose, fait don et élit
Avec l’œil de la raison contemple ce que je décris
Car la raison a plus d’une ouïe consciente et d’un regard.

(Hussein Mansûr Al-Halâj. Poèmes mystiques)

L’art de Kharamidov est la plus ambitieuse manifestation — “œuvre”, en son sens étymologique — d’art jamais projetée par l’homme. Tentative unique dans l’histoire de la créativité humaine, elle restera indépassable.”

Annette Spencer est assez satisfaite de la préface que Jacques Sami Ali vient de lui envoyer pour la rétrospective qu’elle veut monter au plus vite. Un peu mystique à son goût peut être, mais elle ne peut nier que Kharamidov était ainsi. Puis, dans ce monde matérialiste en quête de valeurs qui justifient ses manques, cela donne un côté oriental et mystérieux qui devrait intéresser les esthètes. Ça ne peut pas être mauvais pour le commerce… Peut-être supprimer le poème de Al-Halâj un peu trop orientalisant. Il ne faut rien exagérer. Cette citation risque de faire apparaître le travail de Kharamidov comme réservé aux seuls initiés.

Annette Spencer quitte son fauteuil Le Corbusier gros bleu, fait quelques pas dans la grande salle presque vide qu’est le salon de sa maison de l’avenue des châtelets. L’immense baie vitrée donne directement sur les glaces de la rivière des prairies. En face, le parc désert de l’île aux chats n’est, à cette heure de la nuit, qu’une surface de neige immaculée ponctuée par la lumière de rares lampadaires. Annette est assez satisfaite d’elle. À trente ans, diriger la galerie Mondart, se voir chargée d’une rétrospective Kharamidov, n’est pas une mince réussite. Il est vrai que le destin l’a bien aidée: la mort de Khamid Khan a facilité les choses. Elle va vers le bar, se sert un Martini dry avec un zeste de citron. Ce genre de tremplin ne se trouve pas souvent à son âge. Elle ne peut pas se permettre la moindre erreur. Elle ne doit rien laisser passer, tout surveiller. Non seulement sa réussite personnelle en dépend, mais aussi le chiffre d’affaires de la galerie. Si elle réussit son exposition, le nombre d’abonné aux œuvres virtuelles risque de faire un bond considérable, tous les salons du monde afficheront du Kharamidov, tous les musées d’art contemporain voudront avoir au moins une part de coproduction. Une façon légale de renouveler l’exploit de son fameux parasitage du réseau. Étrange que les artistes n’atteignent jamais à un tel succès que lorsqu’ils meurent!

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