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Écrits de Marc Hodges
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24 mai 2012

Pris au piège

«Tout a une fin… me dit Stanislas, Zita devait repartir pour la Roumanie, moi pour la France. L’avant-veille de notre séparation, elle m’a demandé de lui rendre un service… Tu te doutes bien que je ne pouvais pas refuser: une amie de sa délégation… Je ne crois pas avoir su son nom, je me souviens seulement que son prénom roumain signifiait «Prudence»… avait de la famille en Europe… un oncle ou un cousin, je ne m’en souviens plus !… Il y avait des années qu’elle n’avait pas eu leurs nouvelles et elle aurait aimé les joindre. J’acceptais de l’aider… Le soir, dans sa chambre, Zita me présente cette Prudence: le thé prétexte était servi. Prudence me donne un colis de la taille d’un livre dont elle me dit qu’il contenait des lettres et des photos… Peux-tu imaginer un instant que je lui ai demandé de vérifier? Comme, par précaution, il ne portait aucune adresse, elle me remet en plus une carte postale du souk aux bonnets portant l’adresse de sa famille. Arrivé en France, je devais simplement reporter l’adresse sur le paquet puis expédier le tout… Cette pratique était alors courante: elle permettait à des familles que l’histoire avait séparé de maintenir quelques semblants de liens et il m’était déjà arrivé de faire cela, ne serait-ce que pour ma propre famille… Je n’ai pas hésité une seconde… En remerciement, et malgré mes protestations, elle voulut absolument m’offrir une petite peinture naïve roumaine sous-verre représentant un Saint-Georges terrassant un dragon…

Le lendemain du départ de la délégation roumaine, Je vais prendre l’avion. D’habitude, parce que j’étais accompagné d’un de mes cousins inspecteur de la sécurité, personne ne me demandait rien. Pourtant, à ma grande surprise, cette fois-ci, la douane a voulu contrôler ma valise. Comme tu t’en doutes, le douanier trouva très vite le paquet que je n’avais même pas cherché à cacher. Je n’étais pas inquiet, au pire un peu ennuyé pensant que, s’ils le saisissaient, je n’avais aucun moyen d’en avertir Prudence… mais elle savait aussi les risques qu’elle avait pris… Ce n’étaient pas des lettres… Enveloppés dans une couche de feuilles manuscrites, plusieurs liasses de billets de cent dollars… Je n’ai jamais pu les compter mais, à mon avis, c’était une somme importante: je me suis aussitôt retrouvé en prison. Je ne sais si c’est de la chance, si c’était dû à mes relations familiales ou si c’était une volonté policière, mais j’ai eu droit à une cellule pour moi seul… Je peux te dire que les geôles ouzbeks ne sont pas des palaces. Complètement isolé, coupé de ma famille et du monde, j’y suis resté huit jours avant de recevoir la moindre visite. Comme dit un proverbe ouzbek: «si le temps ne te regarde pas, regarde le temps », et l’absolu de l’impatience ne pouvant être que la patience absolue ; j’ai appris à attendre… A cette époque-là je n’avais pas le moindre soupçon, je me maudissais simplement d’avoir été con au point de ne même pas essayer de dissimuler ce paquet ou, simplement, de le porter sur moi… Mais ce qui m’emmerdait le plus était que je craignais les conséquences de ce comportement imbécile pour ma famille ouzbek.»

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