Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Écrits de Marc Hodges
Écrits de Marc Hodges
Visiteurs
Depuis la création 98 777
Archives
2 octobre 2011

Stanislas et son père

Hier j’ai dit être à Lisbonne, pourquoi pas à Genève ou Hongkong, Montréal ou Moscou? Ma situation géographique réelle n’a pas d’importance pour cette histoire? A vous de voir…

De juin à juillet 1980, Stanislas est reparti pour l’Ouzbékistan, mais ma sœur se mariant, je n’ai pas pu le suivre ; ce que j’aurais fait pourtant bien volontiers…

Au mois d’août, il m’a invité à Erigmore Castle, le vieux manoir de famille délabré bâti au bord de la paisible rivière Eden. Quelle différence avec la famille ouzbek de l’année précédente: le père de Stanislas était une caricature d’officier anglais: moustache, kilt, équitation, réserve extrême, golf à Glenrothes… En fait, la plupart du temps, il agissait comme si nous n’avions pas été là. Une jeune domestique s’occupait de nous, vérifiait que nous ne manquions de rien; nous n’avons vu le «baronet» que quatre après-midi, ceux où il voulut bien partager son thé avec nous. Je parlais mieux l’anglais que l’ouzbek, ce qui ne veut pas dire que je le parlais bien, nos conversations ont été pondérées et réglementaires, restant dans la bienséance d’un dialogue adulte instruit, pour agréable compagnie. Le père de Stanislas feignait de s’intéresser à moi avec distance et mesure mais je sentais qu’au fond je lui était totalement indifférent. Pourtant, entre Stanislas et son père, une réelle complicité semblait passer. Je sentais qu’il était heureux d’être là, que son père l’était aussi: de la tendresse passait dans leurs gestes les plus ordinaires dans l’empressement que Stanislas montrait à tendre une tasse à son père, dans le sourire qui semblait un instant détendre le visage rigide du baronet, dans les regards qui se prolongeaient, dans le soin qu’il mettait à lui conseiller le choix d’un livre dans la bibliothèque, dans sa volonté aimable de ne pas laisser son fils soupçonner que j’étais entre eux un intrus… Comme je ne montais pas à cheval, ils partirent ensemble quelques après-midi et, de ma chambre, il m’arriva aussi, certains matins, de les entendre discuter dans les allées du parc. J’admirais la finesse de Stanislas qui lui permettait de faire prendre pour indigènes ses yeux de mongol dans un club anglais d’Edimbourg ou la transparence de leur bleu écossais dans une medersa de Khiva.

Pourtant, je ne me posais pas encore de questions: Stanislas me fascinait, je n’étais pas loin de le considérer comme un être supérieur: il parlait couramment six langues; en dehors de ma langue maternelle, je n’arrivais à communiquer un peu que dans un anglais rudimentaire.

Publicité
Commentaires
Publicité
Derniers commentaires
Publicité