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Écrits de Marc Hodges
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19 janvier 2014

des interrogations infinies

Comprendre Stanislas est réaliser qu’il était à la fois produit et témoin d’un monde qui connaissait alors des renversements remarquables : l’empire soviétique s’écroulait, l’Islam montait en puissance. Sa part culturelle ouzbek reposait essentiellement sur les fondements de ces deux piliers, son attirance pour les poésies arabes et notamment les poésies soufis, sa générosité humaniste, son multiculturalisme international, son éducation occidentale… tout l’enfermait dans des contradictions sans fin et faisait naître en lui des interrogations infinies. Étant de partout, il n’était vraiment de nulle part et en souffrait sans cesse…

Je vous ai déjà dit, je crois, par exemple, qu’en 1981, pour fêter nos réussites respectives, nos parents nous avaient offerts un voyage en Amérique. Stanislas était heureux, non seulement comme moi parce que pour un jeune homme de notre âge ce continent, les USA notamment, représentaient un certain nombre de nos rêves mais aussi, de façon plus naïve, parce que petit-fils de colonel ouzbek il avait alors l’impression de mettre, à lui seul, à bas, les murailles qu’érigeait la guerre froide. De le même façon, je pense, il aurait été heureux d’aller en Chine à cause de ses ancêtres ouighours… Mais notre idéalisme nous interdisait les voyages conventionnels : nous passerions à New York, bien sûr, mais nous voulions surtout voir l’Amérique profonde. Parce qu’il avait un vague cousin écossais installé à Charlotte, en Caroline du Nord, nous avions décidé de visiter cet état d’autant que, à partir de là, nous nous proposions d’aller dans une réserve Cherokee située dans les Great Smoky Mountains… Tout cela sonnait très romantique…

Charlotte est une grande ville américaine typique : l’indispensable gratte-ciel downtown ceinturé de quelques immeubles élevés disposés selon un plan militaire dans ce qui semblerait une zone industrielle européenne où personne, jamais, ne peut avoir l’idée de se promener. Plus loin du centre, d’immenses malls plus ou moins luxueux et, sur des kilomètres, des zones pavillonnaires. Son cousin habitait Kirckpatrick road à une bonne quinzaine de kilomètres de l’aéroport : nous nous étions refusés à le prévenir et nous n’avions pas assez d’argent pour prendre un taxi ; n’ayant qu’un petit sac à dos, nous avons décidé d’y aller à pied. Quoi de plus étrange pour des américains que deux jeunes marchant le long d’une route, même si celle-ci s’appelle Wilmont Boulevard West, nous n’avons pas tardé à être arrêtés par une voiture de police qui nous demanda nos papiers. Rien d’anormal, une simple routine d’autant que nos passeports étaient français et britanniques. Cependant, Stanislas qui ne supportait pas ce qu’il considérait être une atteinte à ses libertés — il invoqua même plus tard le premier amendement —, au lieu de répondre en anglais, langue qui lui était naturelle, se mit à parler ouzbek… Le policier, plutôt petit, plutôt gras, ne semblait pas particulièrement agressif mais ne comprenait pas la différence entre les papiers de Stanislas et cette langue qui lui paraissait étrange. J’essayai de lui expliquer… Mais c’était bien compliqué et, au lieu de le rassurer, tout ceci commença à lui paraître louche. Je dis en français, à Stanislas, de parler anglais : il ne voulut rien entendre. On ne plaisante pas avec la loi aux USA, le policier, voyant que nous nous disputions dans une langue qu’il ne connaissait pas, dut croire que nous complotions quelque chose : il nous fouilla puis nous emmena au poste. Je dus faire intervenir le cousin…

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