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Écrits de Marc Hodges
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29 janvier 2011

Faire confiance

Il y a quelque chose de trouble dans ce personnage qui semble vouloir toujours se courber en deux et parle, chuchote presque, d'une voix sous contrôle, étouffée, soucieuse de ne pas atteindre les oreilles autres que celles à laquelle elle destine ses messages. Peter, lui d’habitude si prompt à s’ouvrir aux autres qu’il accueille comme s’il les connaissait depuis son enfance, hésite à accorder sa confiance… comme il hésite à s’en séparer brutalement car ce n’est pas dans sa nature. Il est pourtant, dans l’existence des moments où, au risque de violer sa personnalité profonde, il faut savoir affronter la situation même la plus étrange, Peter s’arrête, regarde le petit homme dans les yeux, change de ton: — Pourquoi me suivez-vous ainsi et pourquoi ne me parlez-vous pas franchement. Pourquoi moi?… Le petit homme semble devenir encore plus petit, plus fragile, tasse sa tête comme une tortue, comme s’il voulait la faire glisser à l’intérieur de son cou, son regard porteur d’une évidente panique roule autour de lui, parcourt en tous sens la foule dense de piétons et cyclistes qui fait du pont une masse grouillante: — Pas ici… dit-il dans un souffle à peine audible, pas ici… Si, lorsque cet être l’a abordé, Peter Peterson, avait eu un moment l’idée qu’il devait encore s’agir d’un de ces innombrables « artistes » qui, dans les pays peu développés, abordent les étrangers pour leur vendre à un prix dérisoire leurs médiocres calligraphies, aquarelles, toiles ou de prétendues antiquités fabriquées à la chaine dans quelque faubourg misérable, son insistance humble et apeurée lui dit qu’il doit s’agir de quelque besoin plus essentiel et important que la quête de quelques dollars: — Que voulez-vous vraiment que je fasse? — Suivez-moi!…

Celui qui prétend s’appeler Thuân Thiên s’écarte soudain de Peter Peterson et se lance dans le flot des passants. Peter le regarde s’éloigner. A quelques mètres de lui, l’homme se retourne lentement, le regarde avec insistance, feint de regarder l’eau boueuse du fleuve, puis reprend sa marche. Peter Peterson se décide alors à le suivre, à ne pas perdre sa frêle silhouette dans la masse compacte d’hommes et femmes qui semblent aller tous dans la même direction.

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