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Écrits de Marc Hodges
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19 décembre 2009

Fin de partie

« Le chanteur, encadré de ses anges voluptueux auxquels on avait rogné les ailes, tenait le public sous son charme. Dans la nef, de splendides créatures en mini-jupes, secondées dans leur tâche par de magnifiques adolescents bronzés (fronts ceints de rubans) semblant des éphèbes athéniens rendant un culte au dieu de la volupté, de l’amour et de la nature, persistaient à proposer, avec force sourires, le programme de la soirée. Cela aurait pu être une fête de la débauche si ce n’avait pas été une fête de la croyance, de la résignation, de la souffrance… mais comme personne ne comprenait la langue des complaintes chantées, cela n’avait, au fond, que peu d’importance… »

Le sacristain Petit, air martial, coupe grise en brosse, allure décidée et ferme, interpelle un jeune scout blond vêtu d’un polo rouge cintré et d’un bermuda à grosses fleurs écarlates du plus bel effet sur le fuseau imberbe des jambes. Sous un prétexte quelconque (voir si l’acoustique est bonne), l’entraîne au rythme de la prise de Jéricho, dans l’escalier du clocher. Seule la tripière remarque cette disparition : elle grimace un sourire qu’elle voudrait futé, si c’était possible…

Sous la pluie battante de notes de musique, les bonnes sœurs sourient aux anges ; la baronne au caissier de la banque ; les bourgeois aux jeunes filles, les scouts à tout le monde : tous veulent se sentir bien, heureux ; tous veulent se sentir frères car il ne faut surtout pas laisser supposer que le demain on ne se tutoiera plus, on ne se regardera même pas… ou à peine. Il faut fraterniser, « communier » a dit le jeune aumônier rêveut. Aussi quand Jim Wollans propose aux spectateurs de se balancer en se donnant le bras, la baronne n’hésite-t-elle pas à livrer, pour la première fois de sa vie, son plantureux avant-bras à la poigne rugueuse d’un prolétaire anonyme qui, dans ce cas, se trouve être le cantonnier. La soirée se termine dans un quasi-délire, toute appartenance sociale abolie, tout grade, tout titre oublié dans l’universelle amitié. Et quand l’artiste termine son tour de chant, c’est une ovation formidable qui le remercie d’avoir laissé croire à chacun qu’il est généreux, bon, jeune, intelligent, progressiste, et même (au fond pourquoi pas…) révolutionnaire.

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