Quelques idées de Kharamidov
Comme s’il trouvait la
question incongrue, Jim Buchanan regarde sa coéquipière d’un air stupide.
Annette Spencer sourit.
- Félicitations, vous êtes
très observatrice… Non, ce n’est pas une coïncidence, Hamid était très
superstitieux. Ses ascendances turco-mongoles peut-être. Il disait qu’un de ses
arrière-grands-pères était le dernier roi des Ouïgour… En fait, il avait choisi
sa chambre parce qu’elle avait le même numéro que mon téléphone. D’après lui ça
renforçait notre harmonie… Son œuvre est bâtie sur les mêmes principes. Il
cherchait à mettre en évidence des relations qui lui semblaient sous-estimées
dans notre monde technologique. C’était un grand connaisseur de toutes les théories
hermétiques et herméneutiques. Il avait longuement étudié la Kabbale, le sûfisme,
les lois de construction de la poésie ouzbèque… Il était intarissable sur tout ça.
Il pouvait passer des heures à vous démontrer comment un enchaînement complexe
obéissait à une logique mathématico-symbolique précise. Il appelait ça le “rets”.
“Le réseau n’est qu’une matérialisation technologique du rets métaphysique”
disait-il… Mais je vous ennuie !
Buchanan ne répond pas…
- Pas du tout, dit
Karine, avait-il publié ses idées quelque part ?
- Dans un livre vous
voulez dire ?
- Oui.
- Non, je crois pas, il
me l’aurait dit… Il faudrait visionner ses interviews, rechercher ses conférences
dans les réseaux d’universités. Mais je ne pourrais pas vous aider beaucoup. Si
ça vous intéresse, il y a un étudiant, un nommé Jacques Sami Ali qui fait une
thèse sur lui, je dois avoir son adresse quelque part.
Un jeune homme entrouvre
la porte du bureau :
- Excusez-moi, Annette,
Monsieur Désirat est arrivé !
- Avez-vous encore besoin
de moi ?
- Non. Merci pour votre
collaboration !
- Pourriez-vous me donner
l’adresse de Jacques Sami Ali, ajoute Karine !
- Il faut que je la
cherche, mais je n’y manquerai pas… Où dois-je l’envoyer ?
- Voilà ma carte.
Karine et Jim quittent la
galerie.
- Il est quinze heures
trente-cinq, dit Karine. Vous avez encore le temps de chercher votre
cadeau !
- Vous ne voulez pas
m’aider ?
- Pas question, je rentre
au bureau… Ne vous perdez pas !