Le couvent de la Miséricorde

Parce que, voyez-vous, ce n’est pas mon château. J’y habite seulement. C’est ce qui importe, l’apparence, la façade… que vous sachiez qu’il a été loué par mon père au couvent de la Miséricorde n’a pas d’importance, sinon pour vous apprendre que Père est au mieux avec les autorités ecclésiastiques. Ce qui m’oblige à dire qu’il est non seulement catholique pratiquant mais aussi juge de paix, qu’il a six enfants (il refuse bien entendu la pilule…) ce qui ne le gêne pas beaucoup, notre parc est grand et Mère ne travaille pas. Chez nous ça ne se fait pas, elle doit éduquer les enfants dans la religion. Surtout qu’ils ne sont pas particulièrement doués, les enfants. Les quatre garçons ?… Les deux filles c’est autre chose, peut-être plus dissimulatrices — hypocrites ?— elles ont assez l’air d’aimer. Faut les voir à l’église le dimanche quand on débarque en procession de la Laguna break et noire, de vrais petits anges. Elles ont l’air vachement pures les garces.

Bon, je suis déjà allé trop loin, trop vite, j’aurais pas voulu expliquer tout ça d’entrée de jeu, j’aurais aimé laisser venir lentement, grossir, comme des fruits mûrissant attendant d’être cueillis au bon moment. Tant pis, c’est fait… J’y reviendrai plus en détail… Plus tard… On verra…

Toujours est-il que moi, d’ici, j’observe la ville, la vie. De loin… D’accord… Mais j’ai des jumelles, de bonnes jumelles de marine, grossissement 32, preuves que mon père a bien fait son service comme il le dit sur un bateau au cours des très rares repas qu’il offre à de vagues amis — ou à des notables — à Concarneau où il est né. Naître en un tel lieu marque son homme. Peut-être aussi sa progéniture. Faudra aussi en reparler, plus tard. Allons à l’essentiel…