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Écrits de Marc Hodges
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11 avril 2006

Montpellier, mardi 14 mai, 8 heures 31

Le pire des mômes, c’était Julian, le fils de la sœur aînée d’Antonia, il n’avait que deux ans et ce cochon trouvait le moyen de pisser au lit, sur elle bien sûr. Ça encore, on pouvait s’habituer, mais les cris, ces cris d’enfants mal nourris ou malades, toujours malades, des tas de sales maladies toujours contagieuses: pelade, oreillons, rougeole; il fallait en sortir… comment supporter tous les jours le regard éreinté de la mère, une femme formidable, muette comme la misère, travaillant comme deux maris, sans un mot, prise dans sa dignité noire et sèche comme une image du destin, une femme qui, du premier regard, imposait le respect, qui aurait dû être quelque chose comme Présidente d’une République (un rôle à la mesure de son port de tête hautain bien qu’écrasé sous les baquets de linge sale, si altier, à la taille si fine, si élancée), une femme admirable gaspillée bêtement par la vie, condamnée par la défaite de ses idées à vivre pour les autres. Il aurait mieux valu qu’elle soit morte et, au fond, peut-être est-ce pour cela que, équilibrant d’elle-même le gâchis de l’Histoire, elle ne portait que des vêtements de deuil et ne parlait jamais…

 

Il fallait en sortir, Antonia voulait en sortir et la mère voulait que sa fille s’en sorte, et toute la famille voulait que cette fille, cette fille au moins, s’en sorte et on se vendait pour les livres de classe lus avidement dans la chambre glaciale d’un bleu criard et ça travaillait, ça travaillait, intensément, de tous les côtés, de toutes les façons possibles avec comme seul but le diplôme. Jusqu’au jour où on s’était aperçu que ce diplôme n’était pas grand chose, qu’il ne prévoyait qu’une petite vie bien sage, bien médiocre… La chute avait été rude.

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