Une nuit féconde (Trois jeunes tambours 005)
X… marmonna alors, silencieusement, une invocation rituelle:
…puissances
souterraines, cohortes noires des démons informes, infâmes serviteurs
des 666 espèces de diables, esclaves rétifs de l’homme qui sait les
mots, je vous ordonne de pénétrer en moi, de monter en moi pour un
temps, je vous ordonne de me déléguer vos clairvoyances, je vous
ordonne de me mettre sur le chemin de l’Œuvre, sur le sentier
broussailleux du Vrai…
Un frémissement profond déferla sur son visage crispé : X… semblait absent au monde.
Quand
le soleil, fatigué, alla se coucher dans les bras de la lune après
avoir discrètement étouffé un bâillement derrière un petit nuage
rosissant, X… sortit de son trou. Il eût quelques difficultés à
arracher du sol ses pieds qui commençaient à prendre racine et dut
nettoyer les quelques radicelles qui perçaient ses semelles. Mis ce
n’étaient là que des difficultés mineures et il y avait longtemps qu’il
ne s’arrêtait plus à de tels incidents. Il s’ébroua comme un taureau
venant de féconder une génisse puis marqua quelques mots sur un petit
carnet extrait de sa poche-revolver, rangea sa pelle dans son sac à
dos, ferma avec attention le livre de maroquin et s’en fut lentement
par la forêt. Vers minuit, il s’endormit sous l’abri précaire d’un
rocher.
Lorsque la rosée l’éveilla, il regagna sa tente et poursuivit un somme en somme si bien commencé.