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Écrits de Marc Hodges
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25 juillet 2013

tant de contradictions

Aigues-Mortes, Mende, Bruges, Sion, Guérande, Pézenas, Quimperlé, Heidelberg… Ne me demandez pas pourquoi, mais j’ai toujours aimé ces villes presque mortes où le vide des lieux se confond avec les souvenirs d’une histoire apaisée. Me promenant avec une lenteur gourmande dans Sion où je suis venu chez des amis passer le week-end j’entends encore la voix grave de Stanislas me citant à Berlin Mansour Al Hallaj :

« Tuez-moi mes autorités car ma vie est d’être tué
Ma mort est dans ma vie et ma vie dans ma mort
L’effacement du moi m’est un don des plus nobles
Le maintien dans mes qualités, l’un des plus vils péchés… »

«J’ai tant vécu de contradictions, disait-il, tant été tiré par des mondes et des êtres opposés… Tu ne peux pas comprendre : écossais et français et anglais et ouzbek ; petit fils de colonel soviétique et arrière-petit-fils de religieux déporté sur ordre de Staline ; fils d’officier anglais, ami de jeunes communistes d’Asie Centrale ; fils d’une musulmane, amoureux d’une chrétienne orthodoxe roumaine ; mes sympathies sont orientales, ma formation occidentale… Vivant en France avec un passeport britannique, mon frère et ma sœur en ont un français, nous ne parlons pas exactement les mêmes langues et nous ne comprenons pas les mêmes plaisanteries… Je n’ai jamais su dans quelle langue je chante, dans quelle culture je pense ni dans quelles mythologies je rêve. A moi tout seul je suis les anciens parapets de l’Europe et les espaces ouverts de l’Asie… Ce que j’ai cru être une force, cette configuration d’être particulière que mes amis admiraient comme une originalité créatrice, s’est révélé, perce qu’elle intéressait trop de monde, un piège redoutable. J’avais besoin d’être de quelque part… Cette convivialité que tu admirais en moi, cette capacité de caméléon à me fondre dans le paysage, venaient de cette exigence vitale à m’identifier, me confondre successivement à tous ceux dont je sentais porter en moi un fragment… « Je suis celui que j’aime et celui que j’aime est moi » dit encore Hallaj… J’aurais tendance à renverser le vers: « Je suis celui qui m’aime et celui qui m’aime est moi-même »… Mon besoin d’identification… d’identification à ceux dont je risquais de m’éloigner le plus, était tel que j’étais une proie facile. Bien sûr, je t’ai dit que j’avais été victime d’une intimidation, mais elle n’aurait eu que peu de conséquences si je n’avais, en moi-même, porté les éléments de son chantage: entrant dans son jeu, je sentais que, d’une certaine façon, c’était le seul moyen d’assumer et de vivre les antinomies qui me fondent.»
Stanislas avait certainement raison, mais n’est-ce pas, bien qu’à un degré moindre, le propre de toute vie humaine ? Moi-même, malgré les apparences, j’éprouve un besoin d’unité que jamais je ne parviens à vraiment satisfaire… Mais vous devez tous, plus ou moins, éprouver cela !

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