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Écrits de Marc Hodges
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23 octobre 2011

Des amours de jeunesse

Aujourd’hui, avec le recul du temps et le révélateur que représente ce que Stanislas m’a dit, il y a quinze jours à Berlin, me revient aussi en mémoire une soirée particulière parmi toutes celles que nous avons alors passées à «The Hobbit», le seule pub de Strathmiglo, bourgade la plus proche d’Erigmore Castle. Les soirées étaient longues dans cette vieille bâtisse humide qui était loin d’offrir tout le confort moderne, aussi nous aimions bien nous réfugier dans l’ambiance sombre mais chaleureuse de ce café rempli d’un fatras d’objets hétéroclites: statuettes en plâtre de jazzmen noirs, de Charlie Chaplin ou de Betty Boop, bouteilles vides, chopes de bières bavaroises en porcelaine colorée, marionnettes de sorcières accrochées aux poutres du plafond, massacres de cerfs ou de sangliers, plaques publicitaires émaillées. Ce lieu me semblait au moins aussi exotique que le Labi Khaus de Boukhara et j’y mangeais un haggis arrosé de deux ou trois verres de Lagavulin avec le même ravissement que des chachliks ou des pâtés à la viande dans les échopes des marchés de Samarkand. Nous y passions des heures à échanger nos souvenirs, plaisanter sur nos amis communs ou à nous enflammer de nos confessions respectives.

Un de nos sujets favoris était en effet — banalité de notre âge — nos aventures amoureuses et, comme à Erigmore Castle, mis à part l’inespéré intermède Fidèle, elles étaient nulles, nous nous délections de nos souvenirs. C’est là, je m’en souviens aujourd’hui, parce que pour la centième fois je lui racontais avec enthousiasme mes récentes échappées nocturnes et passionnées dans les vignes avec une gamine de Clermont-l’Hérault dont, aujourd’hui, j’ai oublié jusqu’au nom mais qui, à cette époque-là me paraissaient le summum des aventures érotiques, qu’il m’a révélé ses amours roumaines. Je savais Stanislas passionné de poésie ouzbek, mais je n’en fus pas moins surpris quand il me déclama deux vers qu’il me dit être le début d’un gazel de Navoï:

Sa beauté, comme le soleil, paraissant évidente et splendide:
Tous les atomes du monde sont amoureux du feu de son visage.

Il avait, lors de son dernier séjour à Tachkent, pour une raison dont il ne semble pas m’avoir parlé ou dont je ne me souviens plus, été chargé de faire visiter la ville à une délégation de la jeunesse roumaine: dix garçons et dix filles tous, sauf l’éternelle commissaire politique, à peu près de son âge. Il les avait ainsi fréquentés pendant deux semaines… Il se disait amoureux fou d’une des jeunes filles.

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