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Écrits de Marc Hodges
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28 février 2011

Rencontre avec Gilberte

Le lendemain j’ai appelé Gilberte. Trouver un prétexte n’a pas été trop difficile: j’ai prétendu avoir des invitations pour une soirée théâtrale dans une petite salle de la ville et lui ai demandé si ça l’intéressait. Ça l’intéressait. Du moins c’est ce qu’elle a dit. Je lui ai dit: «Je passe vous prendre?» Elle a dit: «D’accord» La pièce étant à dix neuf heures, j’ai ajouté: «Dix huit heures trente?» Elle a dit: «D’accord» J’ai répété «Dix-huit heures trente» puis j’ai ajouté: «On pourrait manger ensemble ensuite» Elle a encore dit «D’accord» J’ai dit: "Bon d’accord, à ce soir.» Elle a dit: «A ce soir». J’ai hésité un tout petit peu, puis j’ai raccroché. Je me sentais comme un collégien qui aurait eu l’audace d’inviter à danser le professeur de langue dont il est secrètement amoureux. J’avais envie de rire, de chanter; j’ai crié pour moi-même: "Super… Super…» Puis j’ai essayé en vain de me mettre au travail. Mais j’étais trop énervé. Je suis allé marcher dans le parc. Comme à mon habitude quand je veux me relaxer, j'ai ramassé des marrons dont certains étaient encore enfermés dans leur bogue, et les ai longuement malaxés dans ma main droite. Je regardais le paysage et je ne voyais rien: mon regard était tout d’intérieur. J’ai dû marcher deux heures puis je suis rentré. J’ai essayé de lire mais je ne savais pas ce que je lisais, sur chaque ligne mon esprit s’orientait vers la soirée à venir: comment j’allais m’habiller, à quel restaurant j’allais l’emmener? français, chinois, libanais, turc?… un bistro n’était-il pas préférable à un restaurant, un lieu plutôt jeune, est-ce qu’Avon était mieux que Fontainebleau, est-ce que je devais lui offrir l’entrée au théâtre? etc. ça ne décollait pas.

Je m’aperçois que je ne vous ai parlé de Gilberte qu’à travers ce qu’elle me faisait éprouver et le récit de notre rencontre mais que je ne vous ai rien dit sur comment elle était . Il est vrai que les portraits ne sont pas mon fort car je n’ai pas de mémoire visuelle: j’ai toujours du mal à me souvenir des visages. Je crois l’avoir déjà dit é je me rends compte de tout ce qu’une imagination humaine peut mettre derrière un petit morceau de visage comme était celui de Gilberte, si c’est l’imagination qui l’a connue d’abord. C’est pourtant bien son apparence physique qui m’a séduit au premier abord: si sur le banc au bord du Grand Canal j'avais aperçu une vieille femme — ou même une vieille dame — je ne me serais certainement pas arrêté, ou alors il aurait fallu qu’elle me paraisse dans un grand désarroi. Ce n’était pas le cas. Gilberte n’était pas une vieille femme. Gilberte disait avoir vingt-cinq ans, âge indéterminé: elle aurait pu en avoir dix-neuf ou vingt-six… Pour être tout à fait honnête, une jeune fille du même âge mais boulotte ou boutonneuse ne m’aurait pas arrêté davantage qu’une vieille dame. Gilberte n’était ni boulotte ni boutonneuse. Elle n’était pas grosse non plus, ni immense. Elle devait mesurer entre un mètre soixante et un mètre soixante quinze, taille idéale pour moi qui mesure un mètre soixante dix huit. Ce qui, tout d’abord, m’a attiré chez elle (ce qui m’attire généralement chez les femmes), c’est son visage. Mais comment décrire un visage surtout lorsque c’est la mobilité qui domine en lui.

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