dégustations

Je prends mon temps jouissant de la force des souvenirs que je parviens à extraire de ma mémoire car ce que je cherche n'est pas le fil chronologique d'une anecdote, ni la remémoration de tel ou tel événement, de tel ou tel personnage, un nom, un âge, un lieu… Ce que je veux c'est retrouver le goût particulier de telle chair sur mes lèvres, l'odeur chaude ou grasse et musquée d'une chevelure, la spécificité gustative et réactionnelle d'un téton que je mordille, d'une aréole que je lèche avec minutie, le goût légèrement sucré des sécrétions d'un sexe ou celui d'amande de tel sperme. Que ce sein appartienne à telle ou telle, à tel ou tel, n'a pas une grande importance, ce que je veux retrouver, comme la richesse d'arômes de tel ou tel vin typé, c'est l'odeur privée d'un sexe, le goût de mangue de celle avec qui j'ai passé une nuit éblouie dans un chalet isolé de montagne, celui de framboise sûre des petites lèvres de telle autre, l'amertume de cette bitte combative qui appartenait à un jeune homme rencontré dans un camping, ou la lente et tendre raideur de tel autre. Je ne veux pas me souvenir mais, par le pouvoir des mots, revivre, exercice qui demande du temps, de la lenteur, procède de son rythme propre.

Ainsi ma deux chevaux… Lorsque j'ai eu dix-huit ans, mon père m'a offert une 2 CV. Il aurait pu m'offrir davantage, mais c'est moi qui ai insisté, la 2CV correspondait à ma modestie naturelle et je préférais inviter quelques amis pour un week-end à Barcelone plutôt que de frimer en Spitfire…