Salamano

J’aime bien ma chambre, c’est d’ailleurs un des lieux où je passe le plus de temps. J’aime aussi beaucoup ma bibliothèque et ses portes à vitres colorées. L’ennui c’est qu’un de ces carreaux est cassé et que je n’ai pas pu le réparer. La trou de lumière trop blanche qui écrase les tonalités plus douces émises par les autres carreaux de couleur m’ôte tout plaisir. Elle impose la violence, m’empêche de trouver le calme et la paix de ces jeux de lumière. Aussi, maintenant, j’ai abandonné, je n’allume plus la veilleuse qui éclairait la bibliothèque de l’intérieur. Ça me manque. J’en éprouve une intense insatisfaction.

Lorsque j’ai vu ces meubles dans le grenier de l’oncle Roger, je les voulais absolument. Pourtant il n’est pas très généreux, l’oncle… Lui ou sa femme, je ne sais pas. Toujours est-il qu’ils ne comprenaient pas vite. Qu’est-ce que je n’ai pas dû accepter pour gagner leurs bonnes grâces ! Sont affreusement pénibles. Des maniaques. D’accord, ils sont vieux… mais ce n’est pas une raison suffisante. La tante Mathilde, par exemple, a un espèce de pékinois galeux qu’elle traîne partout et qui a soi-disant besoin de sa promenade quotidienne. Pendant des semaines, tous les jours, je lui ai fait faire son petit pipi… Quelle comédie ! S’appelle Salamano. Allez savoir pourquoi. Un nom pareil !

« Salamano, mon chéri, fais ton petit pipi pour faire plaisir à ton petit cousin ! »
« Salamano, petit chien-chien à sa mémère, ne mets pas tes papattes dans cette vilaine eau sale ! »
« Salamano, adorable trésor, veux-tu bien ne pas t’occuper de cette sale chienne ? »

Comme ça… Fallait lui parler comme ça, bouche pleine de sucre d’orge, sourire gâteux barrant le visage et ce salaud de clébard qui ne voulait rien comprendre, con comme pas un.