Des élèves
Y a des tas de choses qui se passent à
la fois et que je n’arrive pas à saisir dans l’instant, sur lesquelles
il faudrait revenir mais qui ne seront jamais plus tout à fait les
mêmes, qui ne se reproduiront certainement plus jamais, perdues,
perdues pour la mémoire et la mémoire du temps, perdues pour la
conscience. Après tout !…
Il y a le chien braque qui traverse l’allée en trottant.
Il y a une vieille Dauphine Renault qui descend le boulevard Britexte passant devant l’École Normale d’instituteurs.
Il y a deux motards qui sortent de la cour de la gendarmerie.
Il
y a des élèves qui, dans la cour de l’École Normale, semblent assister
à une leçon de gymnastique, courant les uns derrière les autres dans
une espèce de chaîne circulaire, tantôt vite, tantôt lentement, tantôt
s’arrêtant pour exécuter divers mouvements que d’ici je distingue assez
mal mais qui, cependant, pratiquant moi-même ce genre d’exercices
lorsque je ne sèche pas les cours de gymnastique, je devine. Ils
s’immobilisent, jambes écartées et font des espèces de grands moulinets
avec les bras ; ou bien, jambes écartées, raides, balaient le sol de la
pointe de leurs doigts, s’étirent les muscles des cuisses,
s’assouplissent le dos, sautillent sur place, lèvent les genoux le plus
haut possible, s’allongent sur le dos et pédalent dans le vide,
repartent en marchant, expirent, respirent profondément, courent,
sautent, rampent, bavent, crachent, respirent, reniflent, râlent… Tout
à l’heure ils vont arrêter. Ils feront une partie de foot, puis
rentreront dans les bâtiments. Ils se doucheront. Tous nus, tous
ensemble… Du moins c’est ainsi que je les vois.
Il y a, au sous-sol
de l’école une salle de douche rudimentaire, collective, sans cabine,
sans séparation d’aucune sorte où tous, tous nu, se lavent.