Récit de Claude Norpois (1)
D’habitude on s’en fout de la «Lozère
libre», les nouvelles on les a au lycée. Entre deux cours, parfois
pendant, on commente comme quand il s’agit d’un fakir enterré quatre
vingt dix jours sans manger ou d’un bébé guatémaltèque qui parle
javanais à sa naissance ou d’une femme née avec deux têtes de couleurs
différentes… On ne s’intéresse qu’aux grands événements mondiaux… ou
aux sports… mais là c’est autre chose!
Ce matin il fallait, pour
traiter le sujet de mon frère, que je sache ce qui se passait dans la
ville, alors, il n’y a que la Lozère libre. Je suis tombé sur
l’article. La preuve que c’était bien vrai, c’est que juste à côté, il
y a le premier épisode du feuilleton historique écrit par Claude
Norpois, notre journaliste, correspondant de l’agence locale, père d’un
ami, un type bien, son fils m’a même montré un numéro d’Historia
magazine dans lequel il avait publié un article sur les guerres de
religion en Gévaudan et un autre du Dauphiné libéré où il était raconté
qu’après avoir dévissé en montagne dans une paroi verticale il s’était
retenu en tenant la corde dans ses mâchoires et avait ainsi attendu les
secours près de trois heures… Un sacré bonhomme. Le sujet de son
feuilleton, ce sont ces guerres de religion, il l’intitule «Un drôle de
Merle». Ça commence comme ça:
Première partie:
Ce qui se passe au château de Peyre le 20 août 1572
«
Ce jour-là, comme tous les autres, Mathieu Merle, régisseur des
propriétés du baron François Astorg de Peyre, se leva à la pointe du
jour alors que l’aurore au doigt de rose rosissait le sommet de la plus
haute tour. C’était un homme de taille moyenne à l’allure massive,
épaisse, taillé dans un de ces blocs de granit qui encombrent les
pâturages de l’Aubrac, comme les rudes paysans de ces hauts plateaux du
massif central accoutumés à une vie dure, rude et frustre, repliés sur
eux-mêmes pour résister aux injures du temps…