Carte scolaire
Je domine la ville: un fait acquis, incontestable… A peu près…
De cette position privilégiée au-dessus de la ville — bien qu’assez commune dans les quartiers périphériques comme Fontanilles, Castelsec ou Chaldecoste…— je peux observer tout ce qui se passe. C’est un autre fait généralement admis; Une sorte d’axiome comme «l’argent ne fait pas le bonheur»; encore que M. Ganançay ne soit pas totalement de cet avis émettant à ce sujet quelques réserves mais père dit que ce doit être un matérialiste et mère m’a conseillé de m’en méfier, de ne pas croire tout ce qu’il me disait (où allons-nous pourtant si nous devons contester la hiérarchie?)… Mère dit que nous n’aurions pas ce genre de problèmes si, mes frères, mes sœurs et moi allions à Saint-Joseph, le pensionnat de la rue de la Chicanette, mitoyen du jardin public. Père répond que ce serait trop cher et que, de plus, il satisfait ainsi également les autorités laïques ce qui, pour son avancement éventuel, n’est pas totalement inutile. Albe, l’aînée, va au Sacré-Cœur; Anthracite, la petite dernière est encore à Jeanne d’Arc avec les petits. Un équilibre savamment pesé: les garçons, moins facilement pervertis que les filles, vont à l’école laïque. Cette évidence est établie avec force dans notre famille, on ne la discute jamais… D’ailleurs, on discute peu.
Donc deux points établis (c’est déjà ça), on peut commencer à avancer. Prudemment… mais à avancer tout de même.