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Écrits de Marc Hodges
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11 septembre 2011

Philosophie politique

X-Sender: jbalpe@mail.away.fr
Date: Sun, 22 Apr 2001 18:10:26 +0100
To: Collenot Yves <yves.collenot@fairesuivre.com>
From: Jean-Pierre BALPE <jbalpe@away.fr>

Subject: Mail-roman "Rien n'est sans dire", courrier N° 12

Le courrier électronique est merveilleux, vous me croyez à Paris et je suis à Lisbonne, mais je suis dans ma chambre à l’hôtel Altis de Lisbonne comme si j’étais encore dans mon appartement de l’avenue Parmentier. Comme chaque fois que je vais dans cette ville, je suis allé me promener vers le Largo do Chiado, boire un café à côté de la statue de Pessoa, manger à la Real Fabrica, puis revenu à pied à mon hôtel par les rues du Barrio Alto. Mais il me faut résister au plaisir de vous parler de cette vieille belle qui, sous la décrépitude de trop de ses façades, laisse percer son ancienne noblesse car, si je vous emmène souvent ainsi dans des chemins de traverse, qui me dit que vous persisterez à me suivre?

De retour d’Ouzbékistan, Stanislas rejoignit Grenoble, je restai à Paris. J’avais compris durant ce voyage que toute une part de la vie de mon ami m’avait échappée et que, alors que je le croyais aussi naïf que je l’étais moi-même, il était beaucoup plus engagé dans la vie réelle. Pour l’essentiel je vivais dans les livres et la Critique de la raison dialectique, Éros et civilisation ou Fragments d’un discours amoureux tenaient alors pour moi lieu de principes de réalité ; aussi je dois avouer que c’est ce séjour avec Stanislas, ainsi que les discussions qui y prirent naissance, qui déterminèrent mon changement d’orientation: je décidai de ne plus préparer l’agreg de philo mais de m’orienter vers la sociopolitique, seul domaine où mon goût de l’abstraction intellectuelle avait quelque chance de trouver un terrain pratique.

Malgré la distance qui séparait nous deux écoles, nous restions en relations constantes et, ces dernières années d’étude n’étant pas les plus chargées de notre parcours universitaire, nous échangions de longues lettres dans lesquelles nous refaisions à la fois le monde et sa philosophie. Nous nous interrogions beaucoup notamment sur la génération qui nous avait précédé, celle de 1968, sur ce prurit social inattendu et baroque qui avait laissé tant de traces. Mais nos orientations étaient autres, il n’était plus pour nous question de changer le monde mais simplement de l’aider à évoluer. Nous étions persuadés que nous pourrions ainsi, chacun à notre manière, mettre de façon pragmatique et directe nos compétences au service d’une société qui, si elle ne nous paraissait pas totalement imparfaite, nous semblait cependant réclamer quelques améliorations. Stanislas, ce qui n’étonnera aucun de ceux qui l’ont connu, semblait très préoccupé par la séparation du monde en deux blocs antagonistes sur des bases, disait-il, qui lui semblaient relever davantage du fantasmatique que du pragmatique: si, disait-il, les peuples des deux bords pouvaient se parler sans intermédiaires, la plupart des difficultés se dissoudraient comme par enchantement… Mon voyage en Ouzbékistan me laissait penser qu’il avait sans doute raison…

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