Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Écrits de Marc Hodges
Écrits de Marc Hodges
Visiteurs
Depuis la création 98 775
Archives
7 août 2009

amour - amitié - clientèle

La situation aurait pu durer très longtemps elle était une amie, je la considérais de plus en plus comme quelqu'un de la famille venu passer quelques jours dans ce pays exotique, une cousine un peu éloignée…

Mais un jour — un soir plus précisément alors que j'étais au café Al Amjahoui avec des amis —, Rachid — journaliste à Al Watan, un de mes compagnons de beuveries — sous le prétexte d'aller fumer un joint, m'entraîna à l'écart sur la terrasse du café. Il semblait un peu gêné comme s'il avait à m'avouer quelque chose de difficile. On parla d'abord de choses et d'autres, il semblait danser sur place tant il était agité. Enfin il se décida: Il faut que je te parle…

Ce qu'il me dit tenait en peu de mots : la jeune femme que j'hébergeais était une putain. Elle rentrait la nuit pour se reposer et, tout le jour, draguait des clients au café-restaurant-hôtel Martinez.

Sur le moment, je fus un peu surpris: d'une part j'avais été très naïf, j'aurais en effet dû me douter que, dans ce pays, une jeune femme ne pouvait pas aborder un homme en pleine nuit et se laisser conduire chez lui si ce n'était pas une prostituée; d'autre part, j'étais assez heureux d'apprendre ce que je venais d'apprendre. J'attendis donc le soir avec impatience.

Comme d'habitude, vers onze heures du soir, elle revint tranquillement s'installer chez moi avec son sourire angélique. dans un fauteuil, un verre de Lagavulin à la main, baigné dans la musique de Raskatov, je l'attendais dans le salon, je la trouvai de plus en plus belle. Sans rien dire, je lui souris. Elle dut comprendre à la désinvolture affectée de mon attitude, à mon silence, qu'il s'était passé quelque chose. Elle s'assit dans un autre fauteuil en face de moi: Ça va? demanda-t-elle. Ça va… Je ne savais trop comment l'amener à me parler de ses occupations du jour… Tu es bizarre… Tu trouves ? Oui… Elle hésita un peu comme on hésite à sauter d'un plongeoir de plusieurs mètres de haut, réfléchit un peu, puis… On t'a parlé de moi? Oui…

Je pensais qu'elle allait me raconter une histoire quelconque, qu'elle démentirait ou essaierait de démentir… On t'a dit que je faisais le trottoir? Oui, en effet. Je souriais tranquillement. Elle s'enfonça dans le fauteuil… Oui, je fais la pute… Puis provocante: ça te gêne ou tu veux en profiter? Pourquoi tu n'en as pas profité le premier soir, ça aurait été clair. Je n'avais pas compris que tu me draguais comme un client, j'ai vraiment cru à ton histoire. Et alors? Dans son attitude quelque chose changeait, sous la jeune femme, la professionnelle commençait à apparaître, son sourire devenait provoquant. Je l'arrêtai: je ne veux pas savoir, je crois que nous sommes devenus amis, pour moi, c'est ce qui compte. Elle se leva du fauteuil, s'approcha de moi: tu ne me chasses pas? Non… Elle s'approcha encore, approcha son visage, prit ma tête dans ses mains, plongea la vrille noire de son regard dans le mien, puis, après quelques secondes, posa sa tête sur mes épaules. Nous sommes demeurés ainsi quelques minutes. Je restai immobile.

Elle dit: "je ne ferai pas l'amour avec toi…"
Je dis: "Non… Nous ne ferons pas l'amour ensemble, restons ainsi comme si nous ne savions rien l'un de l'autre."

Publicité
Commentaires
Publicité
Derniers commentaires
Publicité