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Écrits de Marc Hodges
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15 juillet 2016

De Saint-Pierre-des-Tripier à Cassagnes, 11 h 02

Il regarde le ciel, l'horizon, regarde l'espace, respire. Les champs sont minuscules et fragiles. Un vieux chien noir-blanc le suit comme une ombre, seul son halètement rythme le temps. Il se méfie du mot recueillement. Il veut créer un monde devant lequel s'agenouiller. Quelques timides pépiements d'oiseaux éclaircissent ça et là le ciel. De loin en loin, un bout de pré cerne une lavogne desséchée. Le meuglement lointain d'un avion déchire l'épaisseur du silence. Des ombres rapides et brusques courrent sur les herbes sèches. Terre de ses ancêtres…. Etre toujours aux commencements !…. Il jette des pierres dans les buissons de genévriers. Un petit oiseau vole devant lui, pas plus gros qu'une tâche d'ombre sous l'une quelconque des fleurs du paysage. Il aspire goulûment l'air sec. Il doit se mettre en garde contre lui-même. A cette heure, c'est le désert et le silence. Un paysage n'est rien en lui-même !…. Dans le lointain, un troupeau de moutons se confond avec les pierrières. Il pense qu'il n'existe pas de droit particulier au bonheur, ni davantage au malheur. Sur le plateau ondulé comme la mer tout disparaît dans des creux de vagues. Il a peur qu'il arrive quelque chose… Mais que pourrait-il arriver. Il ne saurait dire exactement d'où lui vient son sentiment de peur. Son âme exulte de se sentir si proche de son retour. Il aime la vie, n'aime que la vie. Il veut se tenir debout. Les hommes d'ici ont des qualités rares. A quoi sert d'évoquer les oiseaux lorsqu'on ne les regarde pas. Il a appris à attendre, à s'attendre. Le soir. Le ciel est une immense cloche de verre protégeant le paysage. Il y a des jours qui paraissent louches. Il pense à ces nuits où l'épervier de la lune surveille le matin. Il a la nostalgie au cœur. Il revoit sa grand-mère qui accompagnait toujours les hommes aux champignons et pouvait les attendre des heures dans la voiture ne faisant rien d'autre que regarder le paysage. La joie vient, elle s'en va Que faire …. De singulières images s'agitent dans son crâne. Il ferme les yeux. Il lui semble entendre la pulsation du monde. Il ramasse quelques brindilles. Il éprouve pour toute chose un étrange sentiment de peur. Le paysage se parle dans sa tête. Il aime la liberté et l'air sur la terre fraîche. Il sait combien il est difficile de résister au désespoir. Cette heure est toute la bénédiction du jour. Son cœur hésite entre rouge feu et mauvais fixe. L'avenir est une condition du présent autant que le passé. Il pense qu'autour de ces plateaux pauvres et desséchés, les vallées offrent généreusement la multiplicité de leurs verts. Il ne sait en vue de quoi vivent les gens. Les jours ici sont ronds. Il y a longtemps qu'il a fait retour en arrière. Où est le devenir. Comment continuer à vivre s'il n'y a plus de questions à poser. Poursuite du bonheur…. Il n'ignore pas qu'il y a des cieux de nuages et des bleus et des soleils ailleurs. Il parle d'un monde totalement ouvert. La solitude profonde et comme intemporelle qui l'environne, l'aspect incorporel de ce paysage, tout cela avive son imagination. Il se sent sot et lourd. L'air du soir se recueille. Le monde le possède et c'est ce qui l'éprouve. Des rochers isolés découpent leurs hautes silhouettes dans la luminosité de l'air.

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