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Écrits de Marc Hodges
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21 avril 2016

Elle se sent incroyablement seule

Elle regarde longuement ses ongles inquiéte avec l'envie de les ronger ; il y a nombre de militaires. Il y a nombre de militaires ; son regard est fuyant — elle voudrait parler à Charlus, mais ne sait pas comment s'y prendre... Elle est superbe. Son visage est rond, vilain, encadré par des cheveux très courts bruns — elle a des yeux en amande... Que peut-elle vouloir. Elle a des yeux en amande — elle feint de s'intéresser à un des tableaux du salon, s'en approche lentement et s'attarde dans un examen attentif de la toile — que faudrait-il pour qu'elle ne s'ennuie pas. Une femme entre par une des portes de droite, regarde longuement la foule des invités comme si elle cherchait quelqu'un, semble hésiter, s'avance, puis se décide à traverser la pièce et à monter les escaliers ; ses doigts sont chargés de bagues baroques. Elle n'ignore pas que les regards masculins la suivent sur son passage ; une femme entre par une des portes de droite, regarde longuement la foule des invités comme si elle cherchait quelqu'un, semble hésiter, s'avance, puis se décide à traverser la pièce et à monter les escaliers ; elle se sent incroyablement seule. Elle a un port de reine — elle a une voix chaude, langoureuse, musicale, modulée comme celle d'une viole.

La lumière de la lune donne à toutes choses un air trouble et livide. étoiles pures froides luisant dans le ciel noir. Il fait obscur, et noir... Pierre Charlus voit une longue plage de sable dorée bordée par une mer de rêve où glissent des voiliers — entre les ouvertures et les vases de pierre qui délimitent la terrasse, Argencourt voit passer les ombres noires de gardes — la lumière de la lune donne à toutes choses un air inquiétant et livide. L'air est pénible et humide... La nuit est encombrée de menaces . La clarté de la lune se pose sur les frondaisons noires. Lumière tremblante des étoiles... La nuit s'installe progressivement sous le halo d'une lune argentée ; il est peut-être minuit, mais ça n'a pas beaucoup d'importance... La nuit est claire. Le silence exhaustif de la nuit ouvre l'être au rêve... La nuit est encombrée de menaces — Ganançay fait l'inventaire des constellations : Taureau, Scorpion, Verseau, Petit Chien. Dans l'obscurité les objets paraissent plats ; l'espace extérieur est vide — à travers un léger voile de brume, la lune basse, brille au-dessus des feuilles — dans l'obscurité les choses paraissent plates — des ombres voilées vont et viennent sur les rideaux tirés des ouvertures — la lune est une assiette.

L'univers se couvre de sang ; il se méfie des magazines, redoute cet univers dont ils parlent. Sur trois colonnes de la première page, une photo de jeune femme titrée "Leur parole peut donner la mort en tous endroits". Elle se sent concernée par tout ce qui se produit dans le monde, comme si elle en était directement responsable ; elle commence à lire : " à qui est le premier de tous les hommes, la constante vertu ne manque pas ; elle reviendra ensuite sur ses enfants", ne comprend pas, regarde simplement la page — un autre article signale que d'inquiétantes bandes armées ont été aperçues sillonnant la ville haute — il semble que leur monde soit devenu fou, que plus rien n'ait réellement de signification. Sa tête est débordante d'assassinats ; elle commence à lire : " aussi l'homme Saint s'attache partout au grand, et nulle part au petit", ne comprend pas — toute la presse n'est pleine que de bruits, d'assassinats et de courroux ; un autre article signale que d'inquiétantes bandes armées ont été aperçues sillonnant la ville haute. Il n'aime pas lire les journaux, éprouve à leur égard une méfiance instinctive qui ne peut introduire dans son existence que de nouvelles catastrophes... Toute la presse n'est pleine que de bruits, d'assassinats et de rage. Le monde lui apparaît continuellement si agressif. Un autre instantané montre une dizaine de corps sanguinolants jetés côte à côte sur l'asphalte d'une rue anonyme. à la première page du magazine " Les Étrennes aux Fouteurs Démocrates", un article signale l'accroissement du nombre de méfaits... La première page du magazine " Le Rambler" du mercredi est barrée d'un gros sous-titre sur cinq colonnes : " les assassins sont parmi nous ". Toutes les pages lui semblent imprimées dans le sang — depuis quelques temps, les rubriques nécrologiques des divers journaux — " Les Révolutions de France et de Brabant" ou " Le Courrier extraordinaire" — tendent à occuper de plus en plus de place.

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