Le moindre repentir obtient grâce à l'amant

Narcisse
Prends un an, si tu veux, pour essuyer tes larmes.
Fannette
On repousse l'assaut, On rejette l'amorce,
Comme ses hauts exploits le rendent sans égal,
Fanette
Voulez-vous demeurer dedans la rêverie ?
Narcisse
N'excusez point par là ceux que son bras étonne :
Et si tu sens pour moi ton cœur encore épris,
Mon sceptre dans ma main par la tienne affermi…
Berthilde
Mais pour être vaillant, tu n'es pas fils de roi,
Et j'ai moins de pouvoir que je n'ai de mérite
À jamais succomber sous un tel assaillant.
Narcisse
Le moindre repentir obtient grâce à l'amant,
C'est un feu qui s'éteint, faute de nourriture : 
Contre ma passion soutenez bien ma gloire. 
Fanette
D'avouer par sa bouche un amour légitime,
D'où viendrait ce repos dans un comble d'ennui ?
Me voici délivré d'un si rude ennemi…
Berthilde
Jusques à cet hymen Melchior m'est aimable… 
Narcisse
Duc, tâchez à rompre un dessein sur ma vie
Le passé me tourmente, et je crains l'avenir,
Des deux côtés mon mal est infini.
Balere
Celui qui n'a pas craint les Mores, ni mon père,
De son trop de respect, ou d'un juste refus.
De la part du vainqueur va porter ton épée.
Narcisse
Ne mêle point de soupirs à ma joie ;
Toi qu'on n'a jamais vu les armes à la main ?
Ton bras est invaincu, mais non pas invincible.
Balere
Seuls, et qui semblaient tout bas se quereller.
Fanette
Qui reproche ton crime et ta vie à mes yeux.
Tous deux formés d'un sang noble, vaillant, fidèle,
Narcisse
J'avais part à l'affront, j'en ai cherché l'auteur :
Mais enfin Théodose est indigne de vous.
Si leurs rois avec eux peuvent se retirer,
Après avoir vaincu les Mores sur nos bords,
Fanette
Pour moi ! Mon ennemi ! L'objet de ma colère !
Sous votre autorité souffrez qu'on le publie.
Balere
Il n'a point de fureur que soudain je n'excite.
Narcisse
Car ma valeur peut tout, et puis dessous les cieux,
Dites par quels moyens il vous faut satisfaire.
De pouvoir maintenant me taire avec honneur ?
Fanette
Deux mots en sa défense.
De ce qu'il fait pour vous dois-je être le salaire,
Recevoir un affront et demeurer vaincue.
Balere
Christophe est donc si vain et si peu raisonnable !
Cette ardeur que dans les yeux je porte,
Plus pour votre intérêt que pour mon allégeance.