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Écrits de Marc Hodges
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8 novembre 2015

Une blessure

Nos souvenirs vieillissent comme nous, certains s’effacent, d’autres se transforment, ce dont nous croyons nous souvenir n’est souvent qu’une reconstruction de notre mémoire à partir du personnage que nous sommes devenus. Dont, pour ne pas tout oublier, parce que sans nos souvenirs nous ne sommes plus rien, nous en inventons sans cesse des fragments. Je ne garantis donc pas l’exactitude absolue de cette première rencontre avec un public mais si je ne peux avec exactitude me porter garant des noms des participants, de leurs visages, de toutes les paroles dites, ce qui est resté profondément en moi c’est l’amertume que j’emportais avec moi, l’impression d’une blessure profonde qui d’ailleurs ne s’est jamais refermée. Je venais là, timide mais fier, je m’attendais à de vrais échanges si ce n’est quelques compliments mais je n’ai reçu en échange que mépris vaguement dissimulé et leçons d’écriture. Cette blessure initiale ne s’est jamais guérie aussi ai-je toujours, par la suite, considéré la rencontre avec un public, même le mieux intentionné, comme une épreuve d’où je ne pouvais que ressortir blessé. Car si je ne me souviens des faits de ma vie guère plus que des péripéties de vieilles lectures, je porte en moi un certain nombre de blessures ouvertes et que rien, jamais, n’a pu cicatriser. Trop orgueilleux peut-être pour accepter les critiques de personnes que je trouve médiocre, trop sensible pour me frotter aux réalités agressives du monde, trop enfermé dans ma solitude pour les affronter une à une, je n’ai jamais su être rien d’autre qu’une citadelle assiégée au point que, si quelqu’un vient à moi pour me dire du bien de mes écrits, je n’arrive pas à me persuader qu’il est sincère et soupçonne toujours, sous ses mots, une ironie dissimulée. Quoiqu’il en soit dit ou écrit, je n’ai ainsi jamais pu être satisfait de la quantité d’ouvrages que j’ai été amené à publier, chacun ne me semblait destiné qu’à répondre aux défauts que, j’en étais persuadé, renfermait les précédents. L’écriture a, depuis ce jour, était pour moi un long enfermement dans lequel j’essayais de cacher la vérité de mes traumatismes. De l’écriture je ne connais pas le bonheur mais les difficultés seules.

Une « histoire vraie »… Qu’est-ce qui est vrai dans nos histoires ? Pour ce qui me concerne, mes poèmes, mes aphorismes sont aussi vrais et faux que mon autobiographie, même s’ils le sont différemment. Toute histoire n’est faite que de mots or les mots, sans jamais s’approcher d’un centre, ne font que tourner sans cesse autour de la vérité du monde. Le vécu seul possède la vérité du monde mais le vécu, concret et solitaire, ne peut être ni un concept ni une relation, il se contente d’être dans le mouvement, le flux, le chaos, le mélange, l’association… De tout cela nous ne pouvons, avec nos phrases, que rendre des versions aplaties, enfermées dans la linéarité simpliste des phrases. Dire n’est pas vivre car vivre excède le dire, la marée de l’être efface sans cesse la pauvre trace des mots sur le sable de nos pages.

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