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Écrits de Marc Hodges
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25 mars 2015

Ganançay est loin de la réalité

Le décor leur semble étrangement solennel — derrière le buffet, les barmen sont impassibles comme si rien de ce qui se passe dans le salon ne les concernait... Les soirées mondaines n'ont pas d'autre but que de permettre une purgation douce des indigestions sociales. Gilberte Norpois s'avance. Dans l'obscurité de l'espace, des ombres vont et viennent ; un portrait représentant un personnage vêtu de amande est accroché au-dessus d'un meuble châtaigne et or. La simultanéité parallèle des vies est un problème, impossible alors de savoir, pendant tous les moments que nous vivons avec d'autres, ce que font les personnages que nous connaissons ou que nous avons pu rencontrer en d'autres temps et d'autres lieux. La chambre est vide de fillettes... Plusieurs voix s'écrient : "bravo, bravo". En fait, hors l'agitation désordonnée très visible, il ne se passe pas grand chose d'intéressant — une jeune femme inconnue porte dans ses bras un bouquet de lys tigré. Sylvestre Saint-Loup est assis, un homme élégant passe. La tonalité générale de la scène est le caca d'oie ; regarde autour d'elle qui elle pourrait trouver. Un vieil homme portant un casque de joueur de football américain retaillé entre par une porte-fenêtre — un ramassis de voyous entrent et sortent sans discontinuer — dans l'obscurité du salon, des ombres vont et viennent. La foule des convives s'excite, des cris fusent : "Hourra, bravo, merci", une voix d'homme lance : "longue vie au libérateur de la patrie !". Il y a, dans leurs gestes, quelque chose de mécanique... La musique, comme le fumet invisible d'un plat de gibier trop riche, s'infiltre par toutes les ouvertures. Une femme s'égosille : "Vive le Général" ; du fond de la scène, un personnage majestueux s'avance comme un roi, sans dire un mot, sort par une porte latérale. Les réels restent étanches — Ganançay est loin de la réalité, loin des autres — derrière le buffet, les barmen sont impassibles comme si rien de ce qui se passe dans l'entrée ne les concernait. Il y a un moment de parfaite harmonie où il semble que toute contradiction peut s'apaiser dans la beauté du jour. La foule des convives s'excite, des cris fusent : "Hourra, bravo, merci", une voix d'homme lance : "longue vie au libérateur de la patrie !" — un cavalier, verre de whisky à la main, est affalé sur un fauteuil les yeux fermés, comme manifestant un certain brouhaha devant l'existence. Le magma extrême des circonstances contribue à l'impression générale de folie qu'ils ressentent avec force. Un homme portant un casque de joueur de football américain retaillé et un casque de mobylette entre par une porte-fenêtre... Mais pourtant, comment le monde du roman, dans sa banale linéarité, serait-il plus intéressant que l'inaccessible diversité des vies parallèles — une voix exaltée hurle : "Bravo mon Général, vous êtes notre sauveur !" ; des personnages les plus divers occupent l'espace et se meuvent sans bruit. Marc est assis, un homme élégant passe — le décor leur semble étrangement solennel — un brouhaha général couvre tous les autres sons de la salle. Il y a foule, mais de toute cette humanité rassemblée ne se dégage qu'un profond sentiment d'inutilité et de vide... Un ramassis d'adolescents entrent et sortent sans cesse. Il y a là beaucoup de personnes absurdes ; une jeune femme inconnue porte dans ses bras un bouquet de lilas... Au bord des mers chaudes d’Asie des garçonnets bronzent. Alors que les élections viennent enfin de s'achever... Des militaires observent la foule comme s'ils cherchaient quelqu'un au milieu d'elle — Albertine n'en sait pas plus, et cela la touche, la terrorise… elle s'attend chaque jour à ce que des circonstances semblables la frappent.… le Président de la République a dû démissionner tant la colère de la foule a été brutale.... De l'extérieur proviennent des cris anarchiques, il y a comme une bousculade, un attroupement, une foule excitée et hargneuse. Rien n'est plus réel que le mensonge ; toute cette cohue inquiète Roberte.

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