Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Écrits de Marc Hodges
Écrits de Marc Hodges
Visiteurs
Depuis la création 98 767
Archives
20 janvier 2015

J’attends quelqu’un

Les mots, quels qu’ils soient, disent toujours infiniment plus de choses qu’ils ne devraient. Ces simples trois mots portaient tant de sens possibles que, aujourd’hui, plus de soixante dix ans après, je n’en ai pas encore fini avec eux. Il faut ainsi sans cesse composer avec la mémoire qui, pour des raisons qui n’accèdent que rarement à la conscience claire, fait ressortir des incidents, des faits minimes qui, du coup, nous poursuivent toute notre vie alors que d’autres disparaissent à jamais. Aucun de mes proches avec qui j’ai eu l’occasion d’échanger des souvenirs n’a jamais, des moments, des faits et des connaissances partagés n’a jamais conservé le même éclairage et, le plus souvent, le même contenu.

Si en dehors de Marc Hodges, j’ai quelques lecteurs fidèles, peut-être se demandent-ils, je n’irai pas jusqu’à imaginer qu’ils puissent s’interroger, sur les espaces de plus en plus longs qui rythment mon écriture. Marc Hodges n’y est pour rien qui continue à essayer de construire des pages avec mes fragments, c’est moi qui diffère. J’ai en effet trop longtemps fait confiance à mon corps que j’avais fini par croire indestructible. Pourtant, très lente, lente, inexorable, la mort maintenant tourne autour de moi pour, comme un cobra dont je serais la proie, me fasciner de son regard glaçant. Je n’ai plus pour rien d’enthousiasme, ne ressens plus ces désirs impérieux qui me faisaient accueillir chaque journée avec une joie constante, les jours succèdent au jour dans une de plus en plus longue et vide expectative de ce vide définitif qui ainsi se prépare. Des taches de plus en plus nombreuses ornent ma peau, les longues marches commencent à me fatiguer, j’ai de plus en plus besoin de lumière et de soleil passant, lorsque la météo s’y prête de longues heures engoncés dans un fauteuil sous la véranda que je me suis faite installée plein sud, je n’ai plus de goût pour la cuisine ni la nourriture, évite de plus en plus le café du commerce, ne lis plus les journaux ni ne regarde plus une télévision devant laquelle je m’enfonce dans l’absence du sommeil, dors de plus en plus longtemps et tous ces plus s’additionnant signent en fait un implacable moins de vie.

Le cœur des hommes change avec les ans et j’ai, trop tard, commencé cette autobiographie et l’enthousiasme qui, à son début, me faisait écrire des heures s’est délayé dans cette apathie qui me gagne et me fais considérer toute cette entreprise comme prétentieusement futile. Je ne crois plus en moi, plus en ce que j’estimais avoir à dire car je ne suis plus certain, en dehors de ma subjectivité, de représenter un fragment d’humanité qui pourrait lui importer toute entière et, s’il n’y avait le soutien indéfectible de Marc, je jetterais mon stylo feutre pour m’endormir encore un peu plus. On ne reste un homme vivant que tant que notre personne est, d’une façon ou d’une autre, reconnue par la communauté des hommes. Ronald et Marc, m’encourageant, me soutiennent, c’est à eux que je dois d’essayer de ne pas m’effondrer, ne pas avancer trop vite vers ce trou noir dont les tourbillons m’attirent chaque jour un peu plus et me persuadent que j’y trouverai un repos de l’esprit et du corps. Allons, camarades, un effort encore s’il est possible. Tachons d’avancer de quelques pages, replonger dans ces minuscules souvenirs sans lesquels il n’est pas un homme. En 1934, en première partie du film de 94 minutes que j’avais adoré, « Tarzan et sa compagne » Fréhel, la chanteuse préférée de mon père chantait en duo dans un décor de bouge asiatique avec un acteur alors encore jeune premier nommé Jean Gabin, « La môme caoutchouc » et « J’attends quelqu’un » mais si e prévisible est souvent imprévisible comme le possible souvent impossible, mon attente pointe sur une certitude.

Publicité
Commentaires
Publicité
Derniers commentaires
Publicité