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Écrits de Marc Hodges
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18 novembre 2014

La solitude

« On peut d’illusions pendant longtemps et être assez heureux » dit Faulkner dans son étonnant roman Les Palmiers Sauvages et je ne me trompe pas beaucoup en disant que consciemment ou inconsciemment, Maurice Roman, sans le citer, reprend cette phrase dans son autobiographie L’Acclimatation à la Mort : « Le bonheur étant tout d’intérieur, on peut vivre d’illusions un certain temps et s’en satisfaire ». Tout est dans la qualification du temps : « pendant longtemps » modifié par Maurice Roman en « un certain temps… ». En effet, tout est là… J’ai déjà dit dans ces pages que j’avais été assez heureux dans ma vie… et je l’ai été. Mais tout est fragile ici bas. Vieillir, notamment, est une catastrophe car, au fur et à mesure que les personnes que l’on aimait nous quittent, au fur et à mesure que nos responsabilités sociales s’estompent, que nos enfants grandissent et s’éloignent, que l’on n’éprouve plus le même enthousiasme à faire un métier par l’intermédiaire duquel nous ne découvrons plus rien, la notion de bonheur est lentement absorbée par une solitude grandissante. Je n’ai, dans ma vie, jamais eu besoin de travailler et si j’ai ouvert un cabinet de médecin, c’est parce que, dans ce métier, j’ai d’abord découvert beaucoup de choses, des défis et des êtres. De grippe en grippe, de patients connus à patients trop connus, je ne découvre plus rien de tout cela aussi ai-je considérablement réduit mon activité, répugnant de plus en plus à sortir de mon domaine pour aller vers un monde qui ne m’apporte plus grand chose. 53 ans depuis un peu plus d’un mois et j’ai l’impression d’entrer dans la vieillesse. Que l’on s’éloigne un tant soit peu du monde et ce dernier, comme une femelle coucou gris abandonnant ses œufs au plus vite, s’empresse de nous oublier. Ayant quitté la plupart de mes responsabilités sociales, je n’ai plus autour de moi tous ces obligés qui, je m’en rend compte maintenant, se disaient mes amis parce que je pouvais leur rendre quelques plus ou moins menus services ; m’étant peu à peu désintoxiqué de l’illusion de l’art et ne jouant plus un rôle de mécène, j’ai vu disparaître un à un tous ces artistes, plus ou moins jeunes, qui venaient volontiers passer quelques jours ou quelques soirées dans mon petit manoir où peu à peu la solitude s’installe en propriétaire. Il y a bien Rachel, mais 30 ans de vie conjugale ont donné à chacun de nous ses modes de vie propres et, si nous nous croisons pour de nombreux repas — restes ritualisés d’une vie qui fut commune — nous vivons de plus en plus dans nos pièces particulières dont les portes restent souvent fermées et rien, dans ses comportements, ne semble montrer que ma présence lui importe. Elle a sûrement été trop habituée à vivre sa vie sans moi. Être seul, c’est être en soi, se demander de quelques ressources intellectuelles propres l’on dispose pour persister à trouver quelques bribes d’intérêt à la poursuite de la vie. J’en suis là… et celle solidude est un anaconda qui lentement m’empêche et m’emp^che de respirer.

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